Toutes les critiques de Le soleil

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gael Golhen

    Des éclats d'images (les bombardements de Tokyo), des fragments de conversations et des plans-séquences à la tristesse sourde montrent l'agonie solitaire d'un homme qui renonce à sa part divine pour retrouver les mortels. Le crépuscule d'un dieu, filmé avec une mystique et une lenteur (russe autant que japonaise) qui séduira les convaincus.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Après Moloch et Taurus, consacrés respectivement à Hitler et à Lénine, Sokourov porte son attention sur Hirohito. L'action condense en un seul jour une période de quelques mois au cours de laquelle l'empereur du Japon prit deux décisions historiques : la reddition sans condition du Japon et sa propre renonciation au statut divin.
    Alexandre Sokourov poursuit sa réflexion sur le pouvoir tout en critiquant l'idée que l'Histoire s'accomplit à travers le destin des grands hommes. Car il envisage au contraire la petitesse, l'humanité étriquée à proportion de la puissance acquise, chez ceux qui, avec le moins de limite, ont incarné le pouvoir et ont donc fait l'Histoire au cours du XXe siècle. La folie morbide d'Hitler, l'obsession paranoïaque de Lénine ou l'extrême fragilité d'Hirohito, que son statut divin - il est descendant d'Amaterasu, déesse du soleil - rend à la fois unique, puissant et inapte au réel, sont les motifs autour desquels il élabore respectivement Moloch (1999), Taurus (2001) et enfin Le Soleil. Contrairement aux deux autres figures historiques, Hirohito n'a pas lutté pour obtenir le pouvoir sacré qu'il a sur le peuple japonais. De ce fait, le réalisateur insiste sur la distance avec laquelle il incarne son autorité en utilisant, par exemple, une description poétique (métaphore climatique où la tempête s'efface devant le calme retrouvé de la mer autour de l'île) pour annoncer aux généraux sa décision de faire cesser les combats.Dans le film, le personnage d'Hirohito (Issey Ogata) est, presque malgré lui, au centre de toutes les attentions qui concourent à maintenir sa vie inchangée. Pour ceux qui l'entourent, la constance de l'empereur doit être en effet à l'image de celle du soleil. Aussi, plus que sa volonté, c'est la variation, l'intervention d'un imprévu ou de l'étranger dans le déroulement habituel de ses actions, qui semble impliquer l'avenir de l'empire. Cependant, après les bombardements atomiques américains, alors que les villes sont détruites et tandis que le palais reste un lieu calme, harmonieux, le corps d'Hirohito mis en scène par Sokourov apparaît traversé d'une tension qui le brise entre cette exigence de constance et la réalité du pays réduit à feu et à sang. Le cinéaste et l'acteur inventent une expression poignante de cette brisure avec l'étrange mimique qui précède chacune de ses paroles, sorte de prononciation muette du mot attendu, mais aussi signe du décalage en lui des fonctions du corps et de l'esprit. Avec Le Soleil donc, une figure non plus obsessionnelle mais presque impersonnelle du pouvoir intervient dans une série de films qui, selon les propos du réalisateur, doit se terminer par un Faust. Inattendue, cette dernière perspective confirme l'ouverture de sa recherche à une vision historique et psychologique mais aussi, et avant tout, allégorique du pouvoir.Le Soleil trouve sa dimension allégorique dans la recherche esthétique et le travail véritablement plastique du matériau qui donne forme à son sujet historique. Deux intentions se mêlent. D'une part celle de la précision du détail et de la connaissance requise pour la mise au point des décors, le film se déroulant presque entièrement à l'intérieur du palais impérial. La chambre de l'empereur, souterraine afin d'être protégée des bombardements, ses vêtements, le cérémonial qui accompagne depuis son lever les différentes actions qui rythment sa journée, les espaces dans lesquels il se tient, sont reconstitués en fonction de données véridiques accumulées par le réalisateur. D'autre part, Sokourov affirme avec force la nécessité de l'invention formelle pour donner vie à ces éléments, cherchant, dans le miroir des formes qu'il invente, à observer la vérité des figures qu'il fait apparaître. Le cinéaste compose ici une oeuvre magistrale et étrange qui, à l'image de son sujet, l'empereur Hirohito, s'approche avec une légèreté onirique et grave des faits les plus pesants de notre histoire commune.Le Soleil
    Un film de Alexandre Sokourov
    Durée : 1h 50min
    Avec : Isssey Ogata, Robert Dawson, Kaori Momoi
    Sortie en salles - France : 1er mars 2006[Illustration : © Océan Films]
    Sur Flu :
    - Lire la chronique du film Le Moloch (Sokourov 1999)
    - Lire la chronique de l'Arche russe (Sokourov 2003)
    - Lire la chronique publiée à l'occasion de la présentation de l'Arche Russe à Cannes en 2002.Sur le web :
    - Site officiel du film
    - Kibnglaz: un site très riche (mais un peu austère) sur le cinéma russe.
    - sistersinlaw : un site en anglais consacré à Alexandre Sokourov