-
C’est un premier film à la mise en place rapide qui va ensuite remarquablement s’ingénier à s’éloigner du récit programmatique qu’on a cru de prime abord y déceler. On y suit une jeune femme qui se retrouve seule avec sa fille sourde et muette, après la condamnation à mort de son mari, dont elle va apprendre, un an après son exécution, qu’il était innocent. Le Pardon paraît donc dans un premier temps le récit de l’accomplissement lent et difficile d’un deuil, à travers le combat de cette veuve pour honorer la mémoire de son mari, dans une société iranienne où la femme seule est regardée avec défiance et méfiance. Lourdeurs de la bureaucratie et manque de mains tendues constituent son lot quotidien jusqu’au jour où vient frapper à sa porte un homme qui se prétend ami de son défunt mari. Un homme auquel elle n’est pas insensible et qui va prendre de plus en plus de place dans sa vie… jusqu’à la révélation de son secret. Petit à petit, le récit nous entraîne donc ailleurs et impossible de ne pas penser à Asghar Fahradi dans cette manière de placer les questions morales et les choix impossibles en son coeur. Cette ombre n’est pour autant jamais écrasante car l’intérêt du Pardon se situe ailleurs que dans son seul récit. Dans la force tranquille de sa mise en scène. Dans la précision des cadres, dans le parfait équilibre entre plans serrés et plans larges, dans la manière de laisser l’action se dérouler et les silences prendre le temps d’occuper l’espace sans ne rien brusquer. Y compris au moment de la révélation. Un geste fort car jamais dans la course à l’épate. Un premier film épatant de maîtrise.