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Bavarde et brillante, la pièce du dramaturge Wajdi Mouawad semblait inadaptable. Denis Villeneuve (Un 32 août sur terre, Polytechnique) la porte sur grand écran avec la puissance à la fois fascinante et excessive d’un tragédien grec. En situant l’action dans un pays imaginaire quasi mythologique et en se concentrant sur les racines de la colère d’une femme humiliée plutôt que sur des considérations politiques, le réalisateur canadien ignore la tentation du mélodrame et élabore un langage cinématographique universel, parfois intelligemment contredit par la bande-son (You and Whose Army ?, de Radiohead). La violence est sourde, et le récit, dense et fragmenté, repose sur un équilibre complexe tenu de bout en bout par des acteurs très justes, malgré quelques scènes trop écrites. Un film coup-de-poing.
Toutes les critiques de Incendies
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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A coups de rebondissements, de flash-backs, Villeneuve ordonne une tragédie familiale assez stupéfiante, une machine allégorique à l’efficacité redoutable.
Le mérite revient en partie à la toute-puissance du scénario (inspiré de la pièce de Wajdi Mouawad), hélas à double tranchant : à force de remplir toutes les cases de sa fable, de n’y laisser aucune zone d’ombre, le film glisse vers le tour de force narratif (une réinterprétation trash du mythe d’Œdipe, notamment), au détriment parfois d’une réflexion plus subtile et aléatoire sur le monde.
Mais tout en usant de grosse artillerie (Radiohead à bloc, titres en majuscules rouge sang), Incendies démontre aussi une belle puissance de récit, et une maestria de mise en scène dont on ressort le cœur tout étourdi. -
Quand vous entendrez ces mots, Incendies sera presque fini. Et vous serez laminés. Assommés. Bouleversés. A cause d'une insoupçonnable révélation. Mais aussi à cause de ce qui précède. Deux heures de cinéma humble et fort à la fois. De la pièce écrite par Wajdi Mouawad et acclamée partout dans le monde Denis Villeneuve a tiré un film spectaculaire. Outre la puissance des images, il y a la profondeur des mots, dits, portés, vécus par, entre autres, Lubna Azabal. Incendies est la première grande claque de 2011, dont on gardera sans doute la marque toute l'année.
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Denis Villeneuve réussit à traduire en images fortes et incisives cet univers théâtral très dialogué de Mouawad, sans tomber dans les stéréotypes ou la caricature. Entre soleil jordanien et pluie canadienne, il a filmé une tragédie âpre, intense en émotions, sur un rythme qui ne laisse aucun répit. Du grand art déjà distingué par des prix dans des festivals et qui représentera le Canada aux prochains oscars.
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Mélo tordu, vénéneux, heureusement jamais trop loin du grotesque, "Incendies" prend son temps avant de dévoiler sa véritable nature. (...) "Incendies" [...] sait s'appuyer sur la beauté hallucinatoire de son style pour donner du cachet à la rudesse de ses déflagrations lacrymales.
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Reconstituant, aux accents de la musique de Radiohead, le destin tragique d'une femme prise dans la tourmente d'une guerre, Incendies brode sur le thème de la quête des origines, du secret, de l'impossible pardon, pour vous enflammer, corps et âmes !
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Incendies du Québécois Denis Villeneuve surprend par sa force. Ce film coup de poing, inspiré d'une pièce de Wajdi Mouawad, remue en profondeur en explorant le Liban à l'aide de personnages déracinés. Pour exaucer le dernier désir de leur mère (Lubna Azabal, habitée), des jumeaux partent à la recherche d'un père et d'un frère inconnus, découvrant leur identité en même temps qu'un pays ravagé par la guerre.
Le réalisateur de Maëlstrom joue avec le passé et le présent en un puzzle que les jeunes Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxime Gaudette tentent de résoudre en même temps qu'un spectateur envoûté par des images sublimes. -
Une adaptation réussie du texte théâtral de Wajdi Mouawad, qui nous entraîne dans une tragédie hallucinée, jouant avec force du mythe des origines. Une expérience traumatique et émouvante, portée en finesse par le cinéaste québécois Denis Villeneuve.
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De la scène à l'écran, les longs monologues poétiques deviennent des moments bruts, intenses. Comme cette scène où des enfants sont les cibles d'un sniper dont on constate, à la fin, qu'il est à peine plus âgé qu'eux...
Le spectateur évolue ainsi à vue, sans jamais avoir d'avance sur les jumeaux, contraint, comme eux, d'encaisser les révélations au fur et à mesure, de démêler sans cesse le vrai du faux. « A qui appartient cette armée ? » demande, telle une longue plainte lancinante, la chanson de Radiohead (You and whose army) sur des images d'orphelins fraîchement tondus et promis à devenir ennemis les uns des autres, selon le clan, chrétien ou musulman, qui les enrôlera en premier. Qui sont les victimes, qui sont les bourreaux ? Telle est la question que pose ce film de guerre implacable comme une tragédie grecque.
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On retrouve dès les premières images le maniérisme expressif à l'œuvre dans Polytechnique, le précédent long-métrage de Villeneuve. Avec notamment, ce même goût pour le travelling au ralenti, non plus dans les couloirs de l'université montréalaise victime d'un massacre en 1989, mais au plus près des visages des victimes et des bourreaux du conflit entre Chrétiens et Musulmans au Moyen-Orient (comme dans la pièce, le Liban n'est jamais nommé), sur une musique de Radiohead. La construction alambiquée d'Incendies peut quant à elle évoquer le film De l'autre côté, du turc Fatih Akin. Découpé en chapitres, le film tord la chronologie, et la fragmente selon une logique chorale et éparpillée, avant de l'enserrer, tel un étau, sur ses personnages. Jusqu'au twist final.
Comme le film d'Akin, le lyrisme potentiel d'Incendies est douché par une sur-scénarisation chirurgicale, un peu froide, dont la mécanique habile manque parfois d'engloutir dans son réseau de fils rationnels la puissance émotionnelle des personnages. Villeneuve éteint l'incendie avec élégance, certes, sans pompiérisme, réussissant même quelques belles séquences jouant sur le contraste entre milieu aquatique (piscines) et flammes carnassières. Mais, à l'abri des flammes dans ce carcan feutré, presque aseptisé, on reste sur notre faim, convaincus que ce conte tragique sur la mémoire, la guerre, et la filiation méritait un traitement plus viscéral. -
Ce drame, traversé par les déchirures de la guerre, dans un pays qui ressemble au Liban, se mue en quête identitaire quasi initiatique d’où surgissent les fantômes du passé.
On en sort bousculé par la dureté des faits, et captivé par la force du récit. -
Ces rues jonchées de gravats et de carcasses de voitures calcinées, ces silhouettes menaçantes de combattants masqués font penser aux films que Ridley Scott (Mensonges d'État) ou Paul Greengrass (Green Zone) ont réalisé sur des thèmes proche-orientaux.
Mais ici, il ne s'agit pas de mettre à la portée des spectateurs de multiplexes ce qu'il ne veut d'habitude pas regarder. L'entreprise est plus ambitieuse, on devine que Mouawad a voulu inscrire les épreuves libanaises dans la tradition tragique qui tente de donner une forme au chaos humain.
Les instruments qu'utilise Denis Villeneuve pour imposer cette volonté au cinéma sont inopérants. A une exception : le visage marqué de Lubna Azabal, sa force inépuisable laissent entrevoir ce que pourrait être une tragédie du Proche-Orient au cinéma.