Toutes les critiques de Election 1

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gael Golhen

    Avec son rythme tortueux et son histoire ultrabalisée totalement dépoussiérée, le film prouve que Johnnie To est aussi un véritable auteur. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu un polar aussi théorique, à cheval entre la narration classique et les nouvelles donnes héritées de la télé entre l’exploitation et la tragédie pure. Election 1 est une oeuvre folle qui prouve la maîtrise d’un auteur trop longtemps sous-estimé.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Et si derrière Election 1, première partie du diptyque mafieux de Johnnie To sur l'élection du parrain des triades hongkongaises, se cachait plus qu'un film méthodique, ludique, historique ou politique ? Et si la place d'élu n'était autre que celle convoitée par To sur le cinéma local ?
    - Vos impressions ? discutez du film Election sur le forum cinémaLa grande opération séduction de Johnnie To n'a plus de limites. Plus que jamais tourné vers l'occident depuis Hong Kong avec son diptyque Election, le cinéaste n'a désormais qu'une idée en tête, se donner une légitimité. Depuis le succès international et critique de The Mission (son chef d'oeuvre), johnnie to oscille entre la fiction populaire et le film d'auteur. Mais récemment il a tranché. Pour enfiler le costume que les festivaliers lui ont taillé, To a jeté les comédies du nouvel an et les romances sirupeuses pour ne conserver que le pan stylé et noir de sa filmo. Ainsi après la présence à Cannes d'Election 1 en compétition officielle, To oriente son discours. Dans les bonus DVD de l'édition hongkongaise d'Election 1 ou 2, To s'adresse explicitement à un auditeur occidental à qui il donne les clés et les références de sa culture, son milieu cinématographique et des triades chinoises, sujet des films.Avec Election, To veut donner au cinéma de Hong Kong une image qu'il n'a jamais eue. Pour qu'il soit plus chic, profond, sérieux, intelligent, adulte, visionnaire voire hollywoodien, il cherche la rigueur, met de côté les excès, et surtout s'attaque méthodiquement à un grand sujet, un classique, la saga mafieuse. Mais c'est loin des versions italo-américaines de Coppola et Scorsese, qu'il n'a pas copiées, des complices Young and Dangerous d'Andrew Lau ou encore du romantique Syndicat du crime de John Woo, que To implante son récit, situé au sein d'un espace géographique et culturel localisé (HK et ses triades), et dont il tire un récit original. Comme à chaque fois chez To, ce récit tourne autour d'une idée, voire un concept, avec lequel toute la mise en scène va s'organiser. Ici le principe s'articule autour des élections du nouveau parrain de la Wo Shing Society, une des plus ancestrales triades.Ayant lieu tous les deux ans, cette élection rassemble les anciens, les oncles. Le premier épisode montre le fonctionnement interne de cette période préélectorale, la guerre clanique qui y éclate et les débuts d'un règne. A travers deux prétendants au trône, d'un côté Lok (Simon Yam), personnage calme, méthodique, silencieux, froid et pondéré, parfait pour perpétuer l'harmonie nécessaire au clan, et de l'autre Big D (Tony Leung Ka Fai), personnage caractériel, violent, impétueux, naïf, parfois hystérique et surtout insubordonné, qui met en péril la société, Election 1 décortique scrupuleusement et subjectivement les arcanes de cette accession au pouvoir. De ce monde fait de pots de vin et trahison, violence et complicité changeante, où l'on achète ses voix, fait chanter les félons, assassine ceux qui mettent en péril l'autorité, To montre la complexité et l'interdépendance de chacun. Il filme comment les amitiés se font et se défont en un instant, comment l'argent et l'ambition contaminent les rapports au point de faire vaciller les traditions, et surtout, à travers les personnages, comment une société secrète ancrée dans Hong Kong et aujourd'hui toute la société chinoise, se confronte à la modernité et au changement.La grande force d'Election tient aussi plus qu'à sa rigueur, sa force documentaire (johnnie to filmant pendant trente minutes le rituel d'accession au pouvoir pour n'en monter finalement qu'une), sa valeur historique, sa précision factuelle ou l'authenticité de ses personnages. S'il se démarque, c'est par son approche esthétique à la fois minimaliste et dense, discrète mais d'une certaine amplitude. Ainsi, en plus de l'élégance de sa mise en scène privilégiant la place de chacun dans ce jeu d'équilibre, ou du travail ciselé de sa photo (approfondie dans Election 2), Election est musical. Tout ce premier opus repose sur une sorte de ritournelle (évoquant Morriccone), qui tantôt mélodique, tantôt déstructurée, donne au film un rythme en adéquation avec sa trajectoire et sa construction évoquant une course de relais (métaphore de ce bâton ancestral, grand fil narratif du film, après lequel courent tous les personnages et que le parrain doit posséder pour devenir chef). Même en étant consciencieux, To s'avère ainsi toujours amusé et fasciné par l'aspect ludique de sa mise en scène. Jusqu'à trahir parfois son approche réaliste, Election 1 se transforme en course-poursuite, figure favorite du cinéaste, dont la singularité tient ici à ce qu'elle s'organise par des intermédiaires, sorte de pions d'un grand échiquier tentaculaire.Malgré sa volonté de lenteur et de cadre excessive ou démonstrative, Election 1 navigue loin devant la production locale actuelle, jeune et déboussolée. Avec ce premier volet, To impose par sa signature un cinéma hongkongais qui, à l'image de ses triades obligées de se réformer face aux changements radicaux du pays, doit lui aussi se confronter à une modernité cinématographique s'il veut survivre. Pour To, il s'agit moins d'aller contre (l'Amérique, la Corée) que de se redéfinir avec, tout en affirmant sa singularité autant culturelle qu'esthétique. Election 1 est une oeuvre aussi critique que politique, où en interrogeant autant Hong Kong, la Chine, le communisme, la démocratie participative, la violence, les triades qu'il met en miroir que le cinéma, To s'implique comme peu l'ont fait avant lui. Il se donne plus qu'un rôle d'auteur qu'il n'a jamais vraiment eu, il s'impose comme le révolutionnaire et le théoricien possible d'une industrie quasi moribonde.Election 1
    Réalisé par Johnnie To
    Avec Cheung Siu Fai, Lam Ka Tung, Wong Tin Lam
    Hong-Kong, 2005 - 1h09[Illustrations : © ARP Sélection]
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