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A force de zoner dans les mêmes eaux, le cinéma fossilise l’espace et ceux qui y habitent. Ainsi Paris et sa proche banlieue n’ont plus grand-chose à nous donner, sinon des archétypes. C’est encore pire pour la province (rien que le terme générique induit un territoire indéfini et fourre-tout) envisagée peu ou prou, comme une terre de notables chabroliens ou de paysans fleurant bon le terroir. En découvrant ce Chien de la casse, on a ainsi cette agréable sensation d’entrer dans un angle mort, une de ces villes et villages entre-aperçues dans le lointain depuis une autoroute. Que viendrait faire le romanesque à Montpeyroux dans l’Hérault, lieu inédit de ce premier long-métrage ? Cette question sous-tend les contours de ce drame aussi électrique que sensuel sur une amitié toxique dominée par l’éruptif Mirales (Raphaël Quenard électrise littéralement le film de l’intérieur) cherchant en permanence à s’extraire du décor. Mais Mirales peut prendre appui sur son alter-égo en négatif, l’effacé Dog (Anthony Bajon) pour tromper ses angoisses, il lui faudra une présence extérieure - la douce Elsa (Galatea Bellugi) - pour que l’horizon bouge enfin. Le film repose ainsi sur un constant rapport de force. Les vibrations produites par les points de frottement et de rupture creusent peu à peu les vieilles pierres qui maintiennent ce monde debout. Et soudain cette jeunesse posée sur un banc ou la selle d’une mobylette se rejouant inlassablement les mêmes aventures, s’illumine. La tragédie est permise et avec elle, son lot de promesses et de désillusions.