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Oui, il y a de jolies couleurs chaudes et rassurantes sur l’affiche, les bonnes intentions clignotent de partout, ce film a l’air de vouloir vous vendre de la bienveillance au kilo. Mais ce n’est pas une raison pour faire à Wonder un procès d’intention. A Première, c’est vrai, on a tendance à préférer les road-movies post-apo, les néo-westerns avec Jeremy Renner, les rêveries SF synthétiques. Et alors ? On n’a rien contre une rasade de tendresse feel-good, si celle-ci est servie avec un minimum d’élégance et de savoir-faire, sans donner l'impression de vouloir nous faire les poches. Dans le genre très calibré de la leçon de tolérance pour petits et grands, Wonder remplit merveilleusement son contrat.
Wonderkid
Cette adaptation d’un best-seller de la littérature jeunesse raconte l’histoire du petit August Pullman (Jacob Tremblay, wonder-kid révélé par Room), un enfant né avec une déformation faciale et s’apprêtant à entrer au collège, après avoir passé toute son enfance à prendre des cours particuliers enfermé dans sa chambre, la tête planquée sous un casque de moto. Wonder est un Elephant Man de poche, ou plutôt une variation pré-pubère sur Mask, le film oublié de Peter Bogdanovich avec Eric Stolz, qui traitait d’un sujet proche. Dès les premières secondes, quand débarque le gentil proviseur joué par l’adorable Mandy Patinkin, racontant comment lui aussi a été victime de quolibets dans son enfance (il s’appelle Tuchman, soit « Monsieur Fesses »), on comprend que l’année scolaire d’August ne va pas si mal se passer. Il affrontera le regard de ses camarades de classe, ce sera parfois dur, mais il leur apprendra en retour à voir au-delà des apparences. Il y aura des embrassades, des effusions, des instants de poésie suspendue.Uppercut émotionnel
Ce pitch programmatique n’empêche pas le réalisateur Stephen Chbosky (déjà auteur du joli Monde de Charlie) d’emprunter des chemins de traverse. En envisageant par exemple Wonder comme un récit choral, qui se détacherait très vite du seul regard de son petit héros pour sonder les répercussions du handicap sur son entourage – sa grande sœur lycéenne pas très bien dans ses baskets, ses copains, sa mère qui cherche à finir une thèse qui dort sur une vieille disquette… Le film est suffisamment bien écrit et rythmé, le récit suffisamment enlevé, pour qu’on ne se soit pas tout de suite aperçu, lors d’un triple climax en forme de gigantesque uppercut émotionnel, que notre voisin de rangée était en pleurs depuis 15 bonnes minutes… Julia Roberts se contente ici du minimum syndical dans la peau d’une maman tout sourire, mais Owen Wilson donne tout en papa cool, transformant chacune de ses scènes en petite bulle d’euphorie – longtemps qu’on ne l’avait pas vu aussi en forme. Amateurs de feel-gooderie calibrée mais pas idiote, de bons sentiments qui éclaboussent l’écran mais ne tâchent pas, foncez, faites-vous plaisir, servez-vous, le buffet est à volonté.