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Avec Wassup Rockers, son oeuvre la moins audacieuse, le cinéaste tente une percée plus grand public. Sexe hors champ et drogues absentes, ne reste plus que le rock'n'roll joué par la bande de skateurs hispano-américains pour lesquels Clark s'est pris d'affection. Il les filme d'abord dans leur banlieue pauvre de Los Angeles à sa manière proche du docu, ici pas très inspiré. Puis les lâche dans Beverly Hills, où son film vire à la fiction parodique.
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Le cinéma tient parfois à trois fois rien : un groupe de skaters latinos, une bande originale entre punk rock et hardcore, l'immensité géographique et fictionnelle de Los Angeles. C'est tout ? Oui, pas besoin de plus pour faire exister Wassup Rockers, dernier film d'un Larry Clark enfin libéré de ses complexes de sociologue et de moraliste.
Larry Clark est très influencé par le cinéaste Nicholas Ray. Caressant toujours l'idée d'en adapter l'autobiographie, il a fait naître des images dont l'hyperréalisme n'est qu'une interprétation, une représentation différente mais cousine du cinéma de Ray (ainsi les modèles de ses photographies ressemblent-ils au James Dean de La Fureur de vivre). Ce décalage est à l'origine du malentendu qui voudrait nous faire croire que les films de Clark seraient de facture documentaire. Rien de plus faux. Car en fait, en eux se cache le revers d'Hollywood. S'ils ont pu cultiver l'idée d'une fiction du réel (inspirations, tournages, acteurs), ils ne font que coexister en réalité avec les régimes de production de la pseudo-illusion hollywoodienne.Pour Clark, les êtres et leur contexte sont autant de visages, de corps et de paysages où le réel cohabite déjà avec la fiction. Ainsi, dès les premières images de Wassup Rockers, la fascination du réalisateur pour les adolescents situe la bande de skaters latinos dans une conscience de la représentation de soi. Bien que les acteurs jouent leur propre rôle ou portent leurs propres noms dans un film s'inspirant de leur vie à South Central, l'idéal de véracité importe peu. Seules comptent les images créées par ce milieu, par ces « kids ». Sapés comme les Ramones, jouant un hardcore entre McRad et Youth Brigade, ils sont constitués par une somme d'influences diverses. Le rôle de Clark est alors de recueillir ce monde et de focaliser en fétichiste sur le moindre aspect de leur apparence. Il se saisit de leur image et, fasciné par la jeunesse et le collectif, la rend séductrice. Un défilé de personnages hauts en couleur
Obsédé par les utopies alternatives, le cinéaste trouve dans le milieu du skate une communauté de désir qui, autour d'un même objet, s'invente des modes d'existences urbains. Etre skater, c'est nouer des relations et des affinités singulières au moment clé de l'adolescence, être à la rencontre du monde, quitter le domicile familial pour la rue, la vie. Rien de plus normal alors que situer l'action de Wassup Rockers à Los Angeles, la capitale du skate que tout amateur connaît par coeur pour l'avoir vue mille fois en vidéo. Incidemment, cette ville fournit également à Clark un espace qu'il peut réconcilier avec son adoration de The Warriors (Les Guerriers de la nuit), un western urbain de Walter Hill. A l'instar de ce film rempli de bandes peinturlurées et carnavalesques, Wassup Rockers invente un parcours où les adolescents croisent des individus qui ne sont eux-mêmes qu'une kyrielle d'images. Par exemple, ces bourgeois de Beverly Hills, presque tous irréels et clichés dans leur représentation, et qui sont fascinés par leur groupe. Mieux, ils sont séduits par lui. Pour eux, ce radicalement "autre" est en effet soit l'objet d'une attirance sexuelle (parce qu'il symbolise une culture de la ségrégation très présente à L.A et que cette séparation entretient la séduction), soit l'objet d'un rejet et d'une méfiance pouvant pousser à la violence, voire au meurtre. Wassup Rockers est moins une traversée à valeur initiatique qu'un parcours presque zoologique. Rarement, Larry Clark n'avait porté de manière aussi décomplexée sa concentration sur les adolescents, objets habituels de sa fascination. Le caractère parfois caricatural et grotesque des situations dans les villas de Beverly Hills trouve aussi le ton d'une comédie qui, d'une scène à l'autre, peut basculer dans le drame. Le cinéaste n'avait peut-être jamais été autant "cinéma", tant il s'autorise des variations et tant il assume de produire des images où le discours s'efface, sans toutefois faire disparaître un point de vue. Autrefois moraliste, il s'autorise ici une simplicité qui, en cédant au strict amour de son objet, le libère des contingences du jugement. Filmer la fuite, la bande, le skate, et y coller une musique génèrent alors une présence purement cinématographique et jouissive.Wassup Rockers
Un film de Larry Clark
Etats Unis, 2005 - 1h51
Avec : Jonathan Velasquez, Francisco Pedrasa, Milton Velasquez, Yunior Usualdo Panameno, Eddie Velasquez, Luis Rojas-Salgado, Carlos Velasquo.
Sortie en salles (France) : 5 avril 2006[Illustrations : © Ad Vitam]
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