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Gaël Morel l’a bien compris : peu importe que des thématiques aient déjà été abordées au cinéma tant que le regard peut être renouvelé et engendrer une œuvre puissante. L’histoire d’un couple (formé d’un conducteur de métro et d’une sage-femme) avec enfant qui rencontre dans les années 1990 un photographe dont le labo est situé juste à côté de chez eux va ainsi mener à un triangle amoureux puis au surgissement dévastateur du sida. Mais le cinéaste (qu’on avait d’abord connu comme acteur chez André Téchiné en 1994 dans Les Roseaux sauvages) filme ces émotions comme si on les vivait pour la première fois et réussit un mélodrame d’autant plus bouleversant qu’il est tout entier tourné vers l’espoir et la consolation. Traçant le destin des personnages sur dix ans et ne reculant devant aucune tentation sentimentale (comme une magnifique escapade en Italie ou l’utilisation de mélodies déchirantes du grand Georges Delerue), le film prend en effet en compte l’arrivée de la trithérapie, traitement qui permit de sauver de nombreux malades et poussa les survivants à envisager un horizon. Au milieu de références à Mauvais sang de Leos Carax ou d’affiches de Wong Kar-waï aperçues dans le métro, le septième long métrage de Morel trouve sa propre voix et s’appuie sur un trio étincelant : la renversante Lou Lampros et les radieux Théo Christine et Victor Belmondo crèvent littéralement l’écran et offrent à ces êtres passionnés une incarnation brûlante qui les transforme en inoubliables compagnons de vie.