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Comme "Birdman", mais en vrai. Depuis sa présentation à la Berlinale, on sait que "Victoria" est un plan séquence de 134 minutes, un plan ininterrompu qui suit le trajet d’une femme de sa sortie de boîte de nuit jusqu’à un braquage raté. Dès l’introduction, une scène de clubbing suffocante, le film s’affirme comme un geste de virtuosité insensée et démonstrative. Comment mettre en scène une histoire sans montage ? Cette question, qui obsède les cinéastes depuis Hitchcock, Schipper la résout en comprimant sa narration mouvementée (on passe d’un marivaudage Erasmus à un nouveau duo d’amants criminels) dans un tour de force sidérant. Il lui aura fallu trois essais, trois nuits de suite, pour réussir son projet, véritable manifeste de cinéma. Schipper cherche l’immersion et le réalisme. Paradoxalement, c’est le moins intéressant, le moins viscéral, même si l’on est scotché par l’élasticité du cadreur (qui entre à l’intérieur d’une voiture, s’infiltre sur le dance floor ou filme une fusillade en mode guérilla). On se rend vite compte qu’entre effet de réel (le début) et accélération fictionnelle (la fin), le film hésite. C’est lorsqu’il réussit à s’extraire des contraintes pour emmener "Victoria" dans une direction sensualiste que Schipper touche le spectateur : dans un ascenseur, l’héroïne et ses copains discutent, leur voix s’atténue et la musique décolle en même temps que les personnages ; deux scènes de boîte deviennent des vagabondages envapés sur des beats technos ; la sortie d’un hôtel ressemble à une libération solaire. "Victoria", qui fait parfois penser à "Noé" (la performance hallucinée), à Tykwer (le portrait générationnel) ou à Kounen (les effets de transe), est fascinant quand son dispositif devient "film-trip". Quand l’arc narratif de l’héroïne, son trajet symbolique et la compression du temps produisent des effets quasiment hallucinatoires.
Toutes les critiques de Victoria
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Filmé en une prise, le quatrième film de Sebastian Schipper, 47 ans, se vit comme un pur trip organique.
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Une expérience cinématographique sans équivalent qui, en vous plongeant plus de deux heures en apnée, vous laissera à bout de souffle…
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Une mise en scène bluffante, une véritable prouesse technique et artistique ainsi que le jeu très convaincant des acteurs font de "Victoria" un film haletant où les situations peuvent basculer à tout moment, qui nous emmène jusqu’au bout de la nuit berlinoise.
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Sebastian Schipper dresse ici, assez habilement, le portrait d'une jeunesse européenne très largement désoeuvrée (...) Le message est passé sans être martelé. Filmer avec virtuosité n'empêche pas de réfléchir.
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Si le film de Sebastian Schipper s’impose au-delà du tour de force technique, c’est dans la façon dont il parvient à brouiller les clichés qui étiquettent le masculin et le féminin.
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Le résultat est forcément imparfait : le scénario ne doit pas compter plus d'une dizaine de pages et les dialogues souffrent parfois de tant d'improvisation. Mais l'absence de coutures décuple l'énergie déployée par l'épatante héroïne de ce polar : on ne peut en sortir que groggy.
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Un thriller remarquable.
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Une oeuvre étourdissante qui regorge de vitalité et qui, au-delà de son impressionnant procédé de plan-séquence, se pose comme un puissant manifeste pour la jeunesse européenne.
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"Victoria" est une performance technique et si on peut être dérouté par le rythme au départ très lent, celui-ci s’accélère subitement.
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"Victoria" procure un vrai plaisir de l'instant même si la suspension d'incrédulité incite à fermer les yeux sur les facilités inhérentes à ce genre d'exercice.
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La photo, très sophistiquée, renforce les impressions de dilatation ou de contraction du temps, et l'interprétation des acteurs, d'un réalisme incroyable, achève de nous plonger dans un grand bain d'adrénaline.
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Multipliant les virées dans Berlin, le film aurait pu facilement tomber dans une overdose de démonstrations techniques, mais rien de tout cela grâce à des acteurs incroyables.
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Durant 2h20, on ne rate pas une miette de l'équipée, y compris lorsqu'il ne se passe rien, ou pas grand-chose. Et, avouons-le, on rêve alors d'une (toute) petite ellipse… Autre bémol, la crédibilité du scénario est parfois discutable.
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On préfère donc y voir le portrait d’une âme en peine prête à suivre des inconnus plus loin qu’il ne faut, ouverte à l’aventure. Victoria en ressort avec un ticket gagnant pour la vie, la chance d’un nouveau départ, qui sauve le film de la lourdeur de ses intentions.