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Si vous connaissez le travail de Samuel Collardey, son nouveau film ne vous surprendra guère. Comme dans L’Apprenti et Tempête, il s’agit pour lui de produire de la fiction avec du réel : l’instituteur danois qui choisit d’enseigner aux Inuits dans un bled paumé du Groenland, c’est Anders Hvidegaard rejouant des scènes tirées de sa propre vie – ou de celles de collègues sur lesquels Collardey s’est documenté au préalable. Le réalisateur français appartient à cette caste de cinéastes aux rangs de plus en plus étoffés (Jean-Charles Hue, Roberto Minervini, Chloé Zhao), qui profitent de leur immersion dans une communauté donnée pour nourrir des docu-fictions bluffants, redéfinissant les concepts de récit, de héros et même de réalité. L’expédition menée par le guide inuit en plein blizzard, avec Anders Hvidegaard commençant à maîtriser la conduite de son traîneau à chien, relève-t-elle de la reconstitution totale ou de la simple captation ? À la limite, mieux vaut ne pas savoir, on risque d’être déçu – les détails a posteriori sur les scènes bidonnées du mythique Nanouk l’Esquimau en ont quelque peu amoindri l’impact. En l’état, Une année polaire peut se voir comme un excellent récit d’apprentissage, doublé d’une réflexion pertinente sur les bienfaits discutables de la civilisation : Anders Hvidegaard, en bon Danois, est persuadé de prêcher la bonne parole auprès des Inuits, pour qui la scolarisation représente un danger, car elle se substitue à la transmission orale des anciens, indispensable à leur survie.