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Revenu un peu malgré lui aux budgets modestes depuis 2015 et le très flippant The Visit, M. Night Shyamalan enchaîne les « petits » films avec l'ardeur d'un artisan jamais rassasié de ses créations. Réglé comme une horloge, au rythme d'un long-métrage tous les deux ans (Split, Glass, Old ou plus récemment Knock at the Cabin), le voilà donc de retour avec Trap, série B au concept absolument imparable : Cooper (Josh Hartnett), père de famille en apparence bien sous tous rapports, est en fait un tueur en série connu sous le nom de « Boucher ». Alors qu'il accompagne sa fille au concert d'une célèbre pop star, Lady Raven (Saleka Shyamalan, l'aînée de la descendance du réalisateur, meilleure dans le chant que dans le jeu), il comprend que la police lui a tendu un piège et que des agents postés à chaque sortie fouilleront tout personne correspondant à sa description...
Idée éminemment sexy - quel amateur de thriller n'aurait pas envie de voir ça ? - que Shyamalan peine malheureusement à transformer en objet de cinéma. On a connu le Philadelphien plus inspiré en matière de mise en scène (suspense visuel proche de zéro ; aucun angle de caméra pour nous faire gober que 20 000 personnes se trouvent dans cette salle), mais les problèmes découlent surtout d'un scénario mal ficelé, qui pousse la suspension d'incrédulité dans ses derniers retranchements.
Chaque étape que Cooper doit franchir pour tenter de se faire la malle discrètement lui est servie sur un plateau par un coup de bol (« Vous n'auriez pas envie d'accéder aux backstages, par hasard ? »), ou bien un personnage secondaire un peu trop loquace (le vendeur de t-shirts détaille le plan de la police après deux questions ; la profileuse du FBI balance des infos cruciales en temps réel...). Les coutures pas très solides du script sont constamment exposées en plein jour (un concert avec deux entractes ???) et un sentiment d'artificialité infiltre Trap dès les 20 premières minutes, au point qu'on ne sait plus vraiment si Shyamalan s'exprime au premier ou au second degré. L'invraisemblable troisième acte, qui enterre la promesse du huis clos, ne tient - à peu près - debout que grâce à la performance impec de Josh Hartnett, enfin autorisé à laisser jaillir la folie contenue de son personnage.
*« Si tout se passe bien, vous devriez vous marrer du début à la fin », nous disait le réalisateur en interview dans le numéro d'été de Première. Soudain, un doute s'installe : est-ce qu'on ne serait pas passé à côté de la comédie de l'année ?