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Chris Hemsworth revient dans le costume de Thor après deux opus en solo et deux épisodes d’Avengers sortis entre 2011 et 2015. Aux dernières nouvelles, son frère Loki (Tom Hiddleston) avait pris l’apparence de leur père Odin (Anthony Hopkins) pour s’emparer du trône d’Asgard, et le Dieu du Tonnerre avait vu son pote Hulk (Mark Ruffalo) s’envoler dans l’espace à la fin de L’Ere d’Ultron. Ragnarok reprend exactement là : le faux Odin continue à duper son monde et les retrouvailles entre Thor et son copain colérique sont au cœur de cette suite. L’arrivée d’Hela, la déesse de la mort (Cate Blanchett), va obliger le héros à défendre à nouveau son royaume.
"Que le spectacle commence"
Taika Waititi, révélé par d’excellentes comédies, notamment son faux documentaire Vampires en toute intimité, a été choisi pour boucler la trilogie du plus mal aimé des Avengers. Les deux premiers opus de Thor contenaient de bonnes idées mais ne respectaient jamais totalement leurs promesses : le côté shakespearien du film de Kenneth Branagh n’était pas tellement creusé et les prouesses visuelles du Monde des ténèbres ne suffisaient pas à construire une saga cohérente.Suite à cette création plutôt bancale, le réalisateur réussit sans mal à offrir à Thor son meilleur film en misant tout sur l’humour. Thor 3 est fun. Les scénaristes piochent dans les opus précédents de leur Marvel Cinematic Universe, d’Iron Man aux Gardiens de la Galaxie en passant par Doctor Strange, pour lui offrir un ton plus léger. Cela marche d’autant plus que des séquences entières sont construites dans le seul but de faire rire. Dès le début du film, la pièce de théâtre qui parodie le meilleur et le pire des comics Thor (la transformation en grenouille !) est là pour plaire aux fans de la première heure. Les retrouvailles entre le héros et Hulk dans une arène de gladiateurs donne lieu à une séquence hilarante, à condition d’avoir vu Avengers, car elle fonctionne surtout à travers les réactions des différents protagonistes (Hulk énervé, Thor ravi, Loki apeuré et le Grand Maître qui ne comprend rien à ce qui est en train de se dérouler sous ses yeux). Les présentations de Valkyrie (Tessa Thompson), Korg (Taika Waititi) et du Grand Maître (Jeff Goldblum) sont également pensées comme de véritables scènes de comédie -qui seront sans aucun doute une excellente source de gif. Les acteurs s’éclatent et leur plaisir est absolument communicatif. Idem pour les deux héros : la relation entre les deux frères ennemis est toujours aussi croustillante, Hiddleston et Hemsworth prenant visiblement un malin plaisir à s’envoyer des piques.
Visuellement, la promesse d’une aventure colorée, inspirée des années 1980, est elle aussi respectée. Le design de la planète du Grand Maître est soigné, la musique au synthé de Mark Mothersbaugh (compositeur entre autres pour Wes Anderson sur La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique…) est amusante et tranche avec l’ambiance des précédents Marvel. L’utilisation du morceau culte de Led Zeppelin "Immigrant Song" sur les scènes d’action fonctionne bien, à défaut d’être originale : le titre, souvent utilisé dans des bandes-annonces, est répété deux fois dans le film. Enfin, bien qu’appuyées, les références aux jeux vidéo (le combat contre le Dieu Surtur semble tout droit tiré de God of War, le final avec Karl Urban est emprunté à Doom) sont assez drôles pour être appréciées par les gamers.
"Tu es Thor, le roi des marteaux ?"
Une fois l’euphorie passée, se pose la question du fond. Et c’est là que Thor Ragnarok vacille. Le film est aussi drôle qu’il est creux. A force d’enchaîner les blagues, l’intrigue brise un à un tous les enjeux dramatiques. Même si Cate Blanchett s’amuse comme une folle dans le rôle d’Hela, la menace de son personnage perd en puissance à force d’être moquée/détournée par les dialogues comiques. Le sort d’Odin n’a pas de retombée dramatique, il ne sert qu’à raviver la guéguerre entre ses fils, qui se seraient de toute façon chamaillés quoi qu’il arrive. La perte de Mjolnir n’a aucun impact sur les combats de Thor. Pire, le héros se bat mieux sans ! La question de la destruction, le "Ragnarok" qui donne son titre au film, est traitée, et intéressante sur le papier, mais la tension n’est finalement jamais vraiment présente. Le blockbuster fonctionne en tant que pure comédie, marche bien quand il référence Avengers, mais ne colle jamais à la mythologie de Thor. Tout ce qui avait commencé à être construit dans les deux premiers films (Asgard, la puissance d’Odin, la relation amoureuse entre Jane Foster –Natalie Portman- et Thor, le soutien de ses amis guerriers…) est balayé par des vannes. Thor Ragnarok rappelle ainsi une autre fin de trilogie, Iron Man 3, qui reposait énormément sur l’humour mais ne faisait pas réellement évoluer le super-héros. C’est d’autant plus marquant qu’il y a quelques mois seulement, James Gunn parvenait à émouvoir au sein d’une autre superproduction Marvel, Les Gardiens de la Galaxie 2, qui, en plus de respecter la promesse de comédie, parvenait à traiter pleinement la thématique père-fils en lui donnant une certaine gravité, et offrait à –au moins une partie de- ses héros la possibilité d’évoluer.