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Ceux qui ont vu le précédent film de Chloé Zhao ne seront pas dépaysés. The Rider a été tourné dans la même réserve indienne de Pine Bridge, Dakota du Sud. La cinéaste se penche cette fois sur le milieu du rodéo, à travers le portrait de Brady Blackburn, un jeune spécialiste du bronc riding, la monte de cheval sauvage. Tombé dans le coma après une terrible chute, le cowboy de 20 ans a désormais une plaque de métal dans le crâne et l’interdiction de faire la seule chose qui le fait vibrer : chevaucher. À la fois miraculé et damné, Brady doit composer avec ce cruel parfum d’entre-deux, où les regards compatissants ne font que l’enterrer vivant, soulignant son incapacité physique à se relever tout à fait. Car le dresseur ne le sait que trop bien : s’il avait été un cheval, on l’aurait achevé.
Berceuse folk
Pour narrer ce chemin de résilience mélancolique, dont l’aspect « ange déchu en Amérique profonde » évoque Friday Night Lights (la série sur le football US de Peter Berg et Jason Katims), Zhao charge généreusement la barque en pathos. Le pauvre Brady navigue en effet entre le deuil de sa mère, sa relation compliquée avec un père qui dilapide le maigre pécule familial dans le jeu et l’alcool, et la responsabilité d’une sœur affligée du syndrome d’Asperger. Et pour s’aérer l’esprit le week-end, quoi de mieux qu’une visite au copain de Rodeo Lane, tragiquement paralysé ? Ça fait lourd. Et pourtant, alors qu’on commence à craindre de voir clignoter trop pesamment les balises doloristes d’une chronique calibrée pour Sundance, on finit par se laisser envoûter par sa douceur de berceuse folk, au fragile souffle documentaire. Précisons que les comédiens jouent pour la plupart leur propre rôle : ils appartiennent à la communauté Lakota et sont donc, aussi claire soit leur peau et aussi contradictoire que l’expression puisse sonner au regard de la mythologie western, des cowboys indiens. Ainsi, le temps d’une longue et fascinante séance de dressage équestre (« débourrage ») ou d’une soirée virile passée à égrener d’authentiques exploits de rodéo autour d’un feu de camp, on découvre un monde aux paysages aussi familiers que la silhouette de John Wayne, mais réinvestis par des visages neufs, insoupçonnés.