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Tout commence par la sirène lancinante d’un bateau au loin. Une île isolée, un phare gigantesque, deux marins, un d’eau douce et un loup de mer, une météo pourrie. Puis tout vole en éclats : de l’alcool frelaté à foison, de la danse, des hurlements, une sirène monstrueuse comme obscur objet du désir, une mouette massacrée contre un rocher... Pas mal de violence, un peu de masturbation et beaucoup de visions cauchemardesques. Car on parle bien d’un mauvais rêve où s’enchaînent des saynètes d’horreur organiques, insidieuses et traumatisantes – rappelant les écrits de Lovecraft –qui hantent pendant longtemps. De retour trois ans après l’acclamé The Witch, le discret Robert Eggers continue son exploration des tréfonds de l’âme humaine et de la psyché tourmentée. Encore plus expérimental que le précédent, The Lighthouse (tourné en pellicule 35 mm dans des décors naturels avec un matos datant des années 40) s’impose comme un nouveau pavé sur la voie sinueuse du « post-horreur ». Avec son style puisant dans le cinéma expressionniste allemand, le film ne se contente pas de paraphraser bêtement l’horreur des années 20 d’outre-Rhin, c’est une plongée en apnée dans un univers glauque et anxiogène, à la fois hyper référencé et cryptique. Mythologie grecque, histoires de fantômes et autres légendes de la mer... Eggers évite le gloubi-boulga en délivrant une œuvre à son image : radicale, sombre, jusqu’au-boutiste. Et s’impose comme l’un des cinéastes les plus iconoclastes (et weirdo) de notre époque.