Toutes les critiques de Téhéran tabou

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gael Golhen

    Tout commence par une fellation ratée : une femme monte dans un taxi avec son fils handicapé qu’elle colle à l’arrière. Elle commence à s’activer, mais le chauffeur, trop vieux et concentré sur la route, n’aura finalement jamais le droit à sa passe… Rien de neuf sous le soleil. Sauf qu’on est ici dans un film iranien. Pourtant la vraie surprise n’est pas la crudité de certaines séquences, mais la forme du projet. Ali Soozandeh utilise la rotoscopie et son rendu cotonneux pour décrire la réalité schizophrène de son pays. Son récit suit trois personnages : une maman qui se prostitue, un musicien qui après une rencontre d’un soir va devoir réparer son erreur et une jeune femme mélancolique qui multiplie les avortements. Trois destins qui racontent les contradictions d’une société stratifiée où le sexe, la drogue et la corruption sont planqués sous le voile de la morale et de la religion. Les Ayatollahs dodus changent de concubines tous les jours, les hommes mettent en cage leurs femmes avant d’aller dans les boites de strip et la drogue s’échange dans la rue, sur le capot des voitures. Le réel. Dur comme le bitume. Sale comme les ruelles des quartiers pauvres de Téhéran. En cherchant la vérité de son pays à travers l'animation, le genre le plus artificiel qui soit, Soozandeh semble affirmer que seul le dessin peut rendre le sentiment de tristesse, de désolation et de sidération que provoque un pays qui marche sur la tête. Le résultat est moins théorique et moins spectaculaire que le cinéma d’Ari Folman ou de Satoshi Kon, mais on retrouve cette manière de tremper son regard social dans un univers bariolé, irréel, où les personnages crèvent de solitude et de frustration.