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L'adaptation cinéma de la BD culte est une vraie réussite.
L'adaptation de BD franco-belge en live action est un sacré bon filon : les succès des Profs (et de sa suite), de Boule et Bill (bientôt une suite), de L'Elève Ducobu (deux films aussi), et on aura bientôt Spirou et Fantasio, Le Petit Spirou et Gaston Lagaffe. Des films doudous, qui essaient au maximum de reproduire les visuels des œuvres d'origine, leurs couleurs pétantes et leurs formes simples. Ca ne marche pas bien souvent (Tintin peut fonctionner en film d'animation mais pas en live car il s'agit d'une forme simple sur laquelle les lecteurs se projettent). C'est la bonne idée de cinéma de l'adaptation de Seuls. Plutôt que de copier la ligne claire et les couleurs tranchées des planches de Bruno Gazzotti, le réalisateur David Moreau (Ils, The Eye avec Jessica Alba) a fait le choix d'une photo sombre, utilisant principalement des noirs, des bleus et des violets, en écho à la violence du script -qui condense les cinq premiers tomes de la BD en les modifiant profondément, pour rendre le tout cinématographique. Un matin, cinq adolescents se réveillent dans leur ville où tout le monde semble avoir disparu. Au loin, un orage gronde et une créature bizarre rôde dans les ombres...
On n'en dira pas plus car Seuls fonctionne évidemment sur le mystère, l'angoisse et la surprise, mais que les fans de la BD soient rassurés : si l’esthétique originelle est transformée pour devenir une vraie esthétique de cinéma, l'esprit est totalement conservé. Notamment grâce à l'effet spécial du "brouillard", aussi ambitieux que vraiment maîtrisé. Narrativement, le film fait également sens en traitant -à l'instar du premier Labyrinthe, meilleure réussite du genre young adult jusqu'à présent- de phénomènes adolescents brutaux, et principalement le fait d'abandonner malgré soi son enfance pour être propulsé dans le monde adulte. Le personnage principal du film, Leïla (Sofia Lesaffre), jeune fille forcée de devenir forte pour protéger sa nouvelle bande, incarne cette idée avec évidence, en contrepoint de Dodji (Stéphane Bak), figure surgie de l'ombre d'un commissariat tel un personnage de John Carpenter. C'est une des grosses références de Moreau (le score synthétique de Rob est aussi dans cette lignée) mais il ne se réduit pas à cette simple référence, et le film de construire sa propre et solide dramaturgie jusqu'à un final aussi frappant que culotté. Dans le paysage du film pour ados (souvent rejeté par les exploitants de salles par peur du public qu'il attire) et dans celui du cinoche français en général, Seuls a décidément une sacrée gueule.