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A la fin de Papa ou maman, Laurent Lafitte débarque d’un avion et retrouve Marina Foïs enceinte, avec leurs trois enfants, après s’être engueulés pendant une heure trente pour savoir qui aurait la garde des mômes. Leur regard à ce moment-là est étrangement amoureux, ambigu. Suffisamment pour qu’on se demande s’ils ne vont pas se remettre ensemble. Deux ans ont passé. Le début de Papa ou maman 2 joue avec nos nerfs en démarrant sur les chapeaux de roues. Littéralement. C’est depuis le pare-chocs d’une voiture que part un nouveau plan-séquence rutilant reprenant le principe d’ouverture du premier film. Ce n’est plus une course-poursuite steadicamée dans les salles d’une fac un soir de beuverie, mais une déambulation staccato à travers les couloirs d’une baraque cossue de banlieue avec passages intérieurs-extérieurs, accessoires qu’on va chercher, dialogues qu’on se hurle à travers les pièces ou qu’on se murmure à l’oreille, acteurs en surchauffe. On retrouve Florence et Vincent accueillant leurs amis pour un dîner bobo. Dissertation sur le vin, digression sur les gosses, la petite dernière qui a disparu et qu’on retrouve au fond du jardin, le chien qui renverse tout. Ça va vite, c’est incroyablement filmé, incroyablement écrit, incroyablement joué.
Mélange des genres
Au fait, ils se sont remis ensemble ? Ce début est à l’image du film qui suit ; une succession de chausse-trappes, de fausses pistes scénaristiques et de sorties de route narratives. Le spectateur, pris par la mise en scène explosive de Martin Bourboulon, ne sait jamais vraiment où il se trouve. C’est, au fond, la force de cette suite : ne jamais être là où on l’attend. Le premier film était un petit condensé d’humour cartoonesque qui avançait à tombeau ouvert, chevillé à son concept et à sa mécanique (le crescendo des stratégies que les deux parents élaborent chacun de leur côté pour convaincre les enfants de ne pas les choisir). Papa ou maman 2 prend le parti inverse, mélange les genres et navigue entre vaudeville, film concept autour d’un décor et pure satire sociale.
Fausse piste
On passe d’une scène de dîner anthologique (à crever de rire) à de vrais décrochages slapstick en un plan. Prenez le pitch : tout commence par le « recasage » respectif des conjoints avant de bifurquer vers une chronique de la jalousie paranoïaque, pour finir sur l’union sacrée des parents qui ne veulent sous aucun prétexte (AUCUN) se remettre ensemble pour satisfaire les enfants. Dans tous les sens donc, mais surtout pas celui prévu. D’ailleurs, comme pour bien montrer qu’ils y ont pensé avant nous, les scénaristes lâchent deux gags au milieu du film qui semblent conjurer ce qu’aurait pu (dû ?) être Papa ou maman 2 s’ils s’étaient laissés aller à la facilité. À la suite d’un complot des mômes, Jonathan Cohen (le nouveau compagnon de Florence) se fait mordre les parties par un intrus et Sarah Giraudeau (la compagne de Vincent) est victime de l’explosion de son rameur d’intérieur. C’est précisément cela qu’on redoutait en rentrant dans la salle, la revanche des enfants, une suite logique et paresseuse. À la place, le film accumule les trouvailles géniales, les situations originales et les scènes complètement déjantées. Le shiatsu ; Jonathan Cohen ; le passage de nuit chez papa ou maman ; Jonathan Cohen ; la rencontre entre les deux pièces rapportées en mode western ; la scène d’ivresse et le mariage vandalisé ; Jonathan Cohen... Puissance comique, sens du tempo, méchanceté et vulgarité des vannes. Porté à ce niveau d’ébullition, on est forcé d’admettre qu’on a rarement vu ça dans la comédie française et on ressort de la salle avec des punchlines plein la tête.
Génie du timing
C’est que le rire ici repose au moins autant sur la mise en scène que sur le ping-pong verbal. Et évidemment, à ce compte-là, le casting de Marina Foïs et Laurent Lafitte apporte une fois de plus un grincement irrésistible. C’était la carte maîtresse du premier film, mais on atteint ici des sommets. Marina Foïs est la complice idéale du sale coup. Son jeu malicieux et pince-sans-rire n’est plus une découverte, mais elle n'a jamais été aussi bonne dans le registre de la lâcheté droopyesque. Elle a en face d’elle Laurent Lafitte, génie du timing et de l’expression à blanc, qui s’empêtre tout seul dans les clichés de la veulerie masculine (ce dîner, ce dîner !). Entre le mauvais esprit des comédies américaines, l’écriture à la vivacité hallucinante et l’énergie pure de la mise en scène, Papa ou maman 2 réussit surtout à installer des personnages qu’on pourrait suivre sur les dix prochaines années. La suite, vite !