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Avec Outrage, le cinéaste japonais ressort les flingues. Ce n’est pas que l’on n’aime pas Achille et la Tortue, mais le yakuza froid comme une glace au thé vert nous manquait. Pour ne pas refaire Sonatine (1995) ou Aniki mon frère (2000), Takeshi débarrasse son polar des fioritures romanesques et invite le public à suivre une partie d’échecs du point de vue d’un pion. Le film n’est qu’une suite de manigances et de meurtres : des gens qui complotent, des gens qui tuent ; action, réaction. À la fois sec et complexe, Outrage ne s’apprivoise pas facilement et paraît vain par moments. Pourtant, ce tourbillon implacable est bien une évocation désespérée des dérives du libéralisme et de la façon dont le pouvoir, quel qu’il soit, est utilisé de nos jours : sans honneur et sans égards. Malgré l’accueil mitigé qu’il a reçu au dernier festival de Cannes, Outrage est un vrai bon Kitano.
Toutes les critiques de Outrage
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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On sort du film lessivé, éreinté par une bande originale violente et électrique, bien éloignée des compositions légères de Joe Hisaishi, mais on sort ravi à l'idée de s'être réconcilié avec Kitano, dont on attend de fait et comme ce n'était pas arrivé depuis Hana-Bi, le prochain film.
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Le grand retour de Kitano dans le genre qui l’avait révélé, le film de yakuzas. Un brio dans la mise en scène du ballet de la violence et une ironie cinglante (...).
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L'ingéniosité du Beat dans ce film c'est la souffrance, il redouble de créativité sadique lorsqu'il s'agit de torturer ou tuer l'un de ses personnages. Féroce et jouissif.
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(...) Outrage qui, à la réflexion, n'est pas hétérogène à ces films [Takeshi's, Glory to the Filmmaker et Achille et la tortue]. Dabs l'oeuvre de Kitano, il passera volontiers pour un retour sec, massif, essentiel, à la base : le film de gangsters violent et suspendu. Mais Kitano, s'il revient au centre du ring, titube encore, il est sonné. Aussi, l'univocité d'Outrage, l'acharnement qui y transparaît partout font de lui le membre secret de la trilogie : un peu comme le quatrième des Trois Mousquetaires. Et à l'image de d'Artagnan, c'est lui le meilleur.
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Adieu code d'honneur et respect des anciens, donc : "De nos jours, il faut ménager sa carrière", résume un flic corrompu jusqu'à la moelle. Violant le cynique adage avec une jubilation communicative, Kitano livre là un film minimaliste, sans doute mineur, mais formellement brillant, punk, en forme de bras d'honneur au bon goût et à ceux qui le préfèrent calme et assagi. Gageons que sur ces cendres encore fumantes, régénératrices, naîtront de futurs grands films. Outrage au yakuza, Glory to the Filmmaker !
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En ouverture, une dissension montée de toutes pièces par un chef yakuza entre deux de ses lieutenants, et la théorie des dominos fonctionne comme prévu jusqu'au générique de fin : le clan se trahit et s'entretue par vagues successives, jusqu'à l'extinction complète.
Difficile avec ça de construire quelque chose en creux, ou en marge du genre, comme jadis Sonatine ou Hana Bi. D'ailleurs, Beat Takeshi (l'acteur), incarne ce drôle d'emprisonnement que le film exerce sur son créateur, tant il paraît ici fondu dans le ventre mou des yakuzas, circonscrit à un emploi de second couteau. Mais Outrage fascine aussi pour les mêmes raisons, pour ce côté rouleau compresseur incontrôlable. On pense surtout à la violence, ponctuation syncopée qui permet à Kitano de repousser les limites du genre pour longtemps – auriculaire péniblement scié au cutter, gencives charcutées par une roulette de dentiste : c'est réellement hardcore, mais plus mystérieux que gratuit, bien au-delà de l'humour noir ou de la somation purement clinique. Rien que pour cet insondable entre-deux, on reste preneur. -
Le plus : Takeshi Kitano est vraiment bourré d’idées lorsqu’il s’agit de faire souffrir ses semblables. Le sadisme ludique de son scénario évoque les jeux télévisés qu’il anime à la télévision japonaise. Sa peinture du monde des yakuzas fascine. Loin de les magnifier, il les décrit comme de parfaits crétins avec un humour féroce. Sa démonstration d’un système archaïque menant ses héros à se liquider les uns les autres est jouissive. Et son travail sur la bande-son se révèle particulièrement remarquable.
Le moins : On peut trouver le film trop violent et, malgré le talent de Keichii Suzuki, il est dommage que Joe Hisaishi, compositeur pour de nombreux films de Kitano, ne soit pas là, à sa place. -
Le film s’étire assez mollement, décrivant sans précipitation les tentatives de prises du pouvoir, les vengeances et fausses vengeances, les rites et règles d’honneur qu’on peut joyeusement manipuler pour amener votre adversaire à vous offenser sans l’avoir voulu…
Tous ces mouvements attendus, par leur réitération, semblent avoir lassé les spectateurs professionnels cannois, qui n’ont sans doute pas apprécié, et nous les comprenons, la cruauté des scènes de violence.
Mais Dieu ou le diable se cachant dans les détails, c’est dans certains plans, et leur retour, qu’apparaît le vrai film de Kitano, celui qu’on ne veut pas voir : dans ces plans posés de cadavres, qui semblent s’attarder sur la mort comme en proie à une panique ; dans cette image de deux tueurs marchant nonchalamment sur une route de bord de mer après avoir commis leur forfait ; dans l’un des derniers plans du film, qui montre un ultime assassinat dans une prison : tandis que les autres détenus continuent à jouer au base-ball, Otomoro (Kitano) se fait tuer à coups de couteau dans les reins…
C’est le dérisoire, l’hyperviolence et la puérilité de la vie moderne que nous montre Kitano, l’absurdité de la vengeance, la répétition d’un crime en entraînant un autre, la mort d’un parrain succédant à celle du précédent.
La société yakuza et ses médiocres jeux de rôle (“ton bureau est minable”, lance bizarrement un chef à Otomoro pour le vexer – et c’est vrai) ne fait que refléter les usages courants du monde du travail dérégulé, où la lutte pour le pouvoir perd tout sens à force d’être menée, même et surtout si les règles sont respectées. Kitano dans son fauteuil, nous sur notre chaise, c’est le monde tel qu’il va. -
Kitano revient à sa fascination pour les caïds tatoués dans cette étude de moeurs sanglante, où la violence stylisée à l’extrême n’épargne pas le spectateur.
Automutilations, crimes sordides, tortures croquignolettes… Le cinéaste pointe le ridicule de ces Nippons flingueurs obnubilés par le pouvoir et l’argent. Un parti pris efficace, mais qui frôle parfois la complaisance. -
Outrage, film de yakuza hyperbolique, est le grand retour aux affaires du cinéaste, du moins attendu, rêvé comme tel. On en sera pour ses frais. Car le film ressemble davantage à l'improbable synthèse des deux veines qu'on vient de décrire qu'au regain du Kitano grand cru.
L'histoire, d'un enchevêtrement délibéré, comporte une multitude de personnages et tourne en dérision le monde des yakuzas dans une surenchère de violence et de stupidité qui tourne au grotesque. Reste que le film, pour drôle qu'il soit, se révèle bancal, peu incarné et d'une outrance qui l'entraîne vers le pur jeu de massacre. S'il est un retour au genre, Outrage manifeste surtout la lassitude qu'éprouve Kitano à son endroit. -
(...) le cinéaste ne semble jamais aller au-delà de ce que nous savons qu'il sait gérer. Le lent déclin où l'irréalisme masque mal le manque d'inspiration, semble au mieux marquer une pause dans ce film d'un genre connu, refait sans grandes idées.
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Superbement chorégraphié, comme toujours, ce qui peut s’appréhender comme une réflexion grimaçante sur la mort du genre ne mérite pas tout à fait la volée de bois vert qu’il reçut au dernier Festival de Cannes. Le film, qui laisse aussi froid qu’un certain nombre de yakuzas, pose néanmoins deux problèmes : le seul personnage non japonais du film – un diplomate africain – est un idiot. Et le rire sourd parfois au détour de dents joyeusement fracassées et de corps mutilés.
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Après une entreprise de remise en question artistique avec Takeshis, Glory to the Filmmaker ! et le désopilant Achille et la tortue, voici donc le temps de la complète démolition avec cet Outrage. Kitano montre une guerre des gangs qui tourne en rond, où tout le monde fini par s'entre-tuer. La mise en scène joue sciemment sur la saturation des dialogues et des gestes, pour démontrer toute l'absurdité d'un monde où le souci des apparences rend fou. Là où Eastwood, avec Gran Torino, filmait les derniers feux de son personnage avec une grâce et une foi intactes, Kitano a choisi, pour son enterrement, de s'autoparodier jusqu'à l'absurde.
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Après une inégale trilogie artistique et introspective (Takeshis, Glory to the filmmaker !, Achille et la tortue), les fans d'un Kitano plus âpre misaient sur son retour dans l'univers des yakuzas. Patatras ! Fini le burlesque elliptique, adieu la mélancolie et la finesse. Kitano a perdu tout ce qui faisait la grâce et le piquant de ses précédents films de yakuzas dépressifs. Il a tout dégraissé pour ne garder qu'une succession de règlements de comptes hyperviolents entre triades. Kitano endosse le rôle de l'ange exterminateur qui redouble d'invention pour décapiter, trucider, réduire en bouillie des hommes tatoués sous leur costume noir. On se croirait presque dans un remake oriental de Saw, le fameux compte à rebours macabre en moins.