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Etienne Roda-Gil, c’est d’abord un corps. Un physique de vieux lion hirsute, vêtu d’un perfecto en cuir. Une cigarette toujours au bord des lèvres. Puis un esprit. Raffiné et rebelle, calme et tempétueux, d’une sensibilité que l’on pressent à vif. Tout chez cet homme respire le vécu, l’authenticité. « Roda » était (il est mort en 2004 à l’âge de 62 ans) une plume de l’ombre qui a mis ses lumières sur d’autres, parolier de Julien Clerc (Ce n’est rien), Vanessa Paradis (Joe le taxi) ou encore Claude François (Alexandrie, Alexandra). Dans le métier, l’homme était, on s’en doute, un patron. Le dandy-roc(k) Roda avait son rond de serviette à la très chic Closerie des Lilas, brasserie mondaine parisienne. C’est là que Charlotte Silvera, la réalisatrice de ce portrait volontairement empathique, donne rendez-vous à Vanessa Paradis. Roda est déjà là, ému de ces retrouvailles improvisées. L’échange est simple et touchant. Ces deux-là s’aiment, c’est visible. Pour le reste, Charlotte Silvera filme cet ami dans son bureau, la rue, des bistrots plus anonymes... De ce complice, elle ne cherche pas à dresser un portrait linéaire et chronologique. Le style est vagabond. C’est Roda qui donne le tempo des confidences. Il parle de tout et de lui, de ses chansons, de ses amours, de la vie... Tous ces entretiens qui composent ce On l’appelait Roda datent de quelques mois avant sa mort. On remerciera au passage la réalisatrice de ne pas nous abreuver de témoignages people et forcément hagiographiques. Seuls Vanessa Paradis donc, Roger Waters ou encore Julien Clerc, racontent avec des mots justes leur Roda. Il y a aussi des anecdotes savoureuses, de celles qui contribuent à la légende. Une parmi d’autres, quand Claude François lui demande d’écrire pour lui, Roda-Gil fait la fine bouche, regarde la star disco de haut. Claude François lui aurait alors dit : « Continue d’écrire pour un public bourgeois, moi je chante pour le peuple! » Touché, Roda-Gil se ravise et explosera les charts avec Alexandrie-Alexandra...