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Deux amis d’enfance qui se retrouvent pour aller se balader dans les bois : on pourrait craindre un « Brokeback Moment »… et on y échappe de justesse ! La réalisatrice concentre son film sur la confrontation de ces deux amis que tout oppose et qui réapprennent à communiquer sous la bannière de mère Nature. Celle-ci, filmée lentement, permet un rapprochement silencieux entre les protagonistes. Le film étant peu bavard (ça change), il favorise l’introspection, bercée d’une musique lancinante, mélancolique et aérienne. Rafraîchissant à plus d’un titre.
Toutes les critiques de Old Joy
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Téléramapar Jacques Morice
Marre de la pollution, besoin impérieux de vous ressourcer ? Pensez à Old Joy, vous ne serez pas déçu du voyage. Le retour aux sources, au sens littéral et figuré, a lieu là-haut, vers les montagnes de l’Oregon, au nord-ouest des Etats-Unis. (...) Le film dure le temps précieux d’une de ces nouvelles intimistes à la James Salter et offre une belle récompense après les efforts de marche. Sous les arbres, en pleine nature, les deux hommes prennent un bain d’eau chaude. Mark, détendu, rajeuni, est aux anges. Il peut remercier Kurt, ce clochard céleste qui, pour rependre le mot de Rimbaud, connaît le lieu et la formule.
- Le Mondepar Thomas Sotinel
Mais au centre du film, il y a la forêt, filmée avec une douceur caressante. C'est là que le film s'épanouit, que le portrait de cette relation abîmée par le temps prend tout son sens. Il n'y a pourtant ni révélation ni crise, juste une succession de séquences à peine dialoguées, mais si intelligemment mises en scène que chaque mot et chaque silence résonne longuement. Old Joy est une méditation filmée, déchirante et consolatrice.
- Fluctuat
Selon un critique américain, Old Joy serait le film le plus proche du haïku jamais réalisé. Il faut reconnaître que le film de Kelly Reichardt a quelque chose de japonisant. Beau et mélancolique, épuré et dense, rappelant parfois yasujiro ozu, il s'agit surtout d'une oeuvre simple, sensible et pudique sur l'amitié, son érosion, son rapport au temps, entre histoire individuelle et universelle.
- Exprimez-vous sur le forum Old JoyIl y a certains chemins qu'on croit balisés, déjà cartographiés et empruntés mille fois. De ces routes comme des films on y part avec un a priori, cette distance un peu lasse de savoir vers où on va et surtout comment. Quand Old Joy s'est présenté à nous, avec ses multiples prix et autres auréoles du cinéma indé américain, on était donc méfiant. L'histoire de deux amis de longue date, Kurt et Mark, partis en week-end dans une profonde et verdoyante forêt d'Oregon à la recherche d'une source chaude, rappelait instantanément l'équation de Gerry, l'errance de Last Days ou encore le cadre des films d'Apichatpong Weerasethakul. On craignait la prétention arty et philosophique, le symbolisme pesant et usé du road movie, les dispositifs Béla Tarretiens ou un autre cinéma expérimental programmé, et puis rien de tout ça. Pour son second film, Kelly Reichardt, dont on sait seulement qu'elle a collaboré avec Todd Haynes et travaillé sur un Hal Hartley et quelques films expérimentaux, surmonte tous les stigmates et maniérismes. Elle défait nos craintes par la puissance grave de sa délicatesse et une sensibilité du moindre instant.On convie souvent l'épure pour parler cinéma, mais rares sont les films réellement épurés. Hériter d'yasujiro ozu, beaucoup s'en sont vantés et très peu on su en faire quelque chose. Pourtant s'il devait avoir une héritière, ça pourrait être Kelly Reichardt. Aucune imitation de cadres fixes dans Old Joy, même si chaque plan est d'une simplicité et d'une élégance aussi soignée que fragile et le montage transparent ; c'est à un autre niveau que la filiation existe, dans un rapport au monde, aux choses, à la nature. Dans une série d'intervalles et de silences qui rapprochent et séparent les personnages tout en les inscrivant dans une temporalité intime et universelle. L'histoire entre Mark (Daniel London) et Kurt (Will Oldham, alias Bonnie Prince Billy, chanteur de country/folk), évoque ainsi l'impermanence d'Ozu, ce principe des cycles de la vie resitué ici au sein d'une génération. Mark est un héros inquiet, triste, sa femme est enceinte et il semble vivre dans un état d'attente et d'angoisse diffuse. Kurt est un post-hippie, il est libre mais à la limite de la clochardisation. Le premier est dans le réel, comme lui dira le second, qui semble fuir justement la réalité par tous les moyens possibles (drogue, délire théorique).Leurs retrouvailles sur les routes désertes de l'Oregon qu'on parcourt d'un panoramique à l'autre au rythme mélancolique du sublime score de Yo La Tengo sont donc une manière de filmer l'altération d'une relation par le temps. Ce qui s'érode, marque une distance, un éloignement palpable que le film ne nomme pas. Partis pour fuir les fracas de la ville et revivre au calme, seuls, isolés, ce qui s'était construit par le passé, les personnages d'Old Joy vont à la rencontre de leur présent et s'aperçoivent qu'ils sont blessés par l'ineffable. On ne sait jamais si Mark regrette la vie de Kurt, sa liberté, son indépendance éveillant en lui son passé, et si Kurt regrette la maturité de son ami qui lui rappelle son état d'errance. L'un et l'autre, par des non dits, des regards, racontent discrètement et pudiquement une perte ou un échec, une impossibilité de co-exister à nouveau ensemble, voire un malentendu. Il y a bien ce moment, unique, où Kurt lâche un glaçant « il n'y a quelque chose qui ne va pas entre nous », comme pour un couple, mais il se rattrape vite, Mark le rassure, mal à l'aise, la vérité est toujours trop cruelle.Old Joy semble alors abîmé, montrer une amitié automnale, comme envahi par cette grisaille qui sature le ciel à chaque plan. Mais quand on croit à une tristesse inconsolable, Kelly Reichardt tend la main à ses personnages. Arrivés à la source, ils se baignent en silence puis Kurt raconte une histoire qui se ponctue par « old joy », titre paradigme du film. Au regret Reichardt répond alors par un geste, miraculeux, qui scellera et rattrapera l'amitié entre les deux hommes tout en les projetant dans un crépuscule encore plus mélancolique. Ainsi Old Joy pointe avec une grâce unique un sentiment inexprimable, l'amitié entre garçons, et comment celle-ci ne survit pas à la maturité qui est toujours le pire ennemi des sentiments. À la fois funéraire et dépressif (Mark et Kurt se séparant sans promesses), et si intense émotionnellement qu'il en devient vivant et plein, le film se transforme finalement en une sorte de Walden (henry david thoreau) détourné et intensément mélodramatique.Dernier écho d'Old Joy, le brouhaha de l'Amérique, ses voix qui s'entrechoquent et s'enchaînent à la radio qu'écoute Mark au début et à la fin du film. Elles expriment la confusion d'un pays déboussolé, les fantômes du passé et d'une époque d'où viennent les personnages, leur probable adolescence et son optimisme. Leur amitié répond alors à un autre climat, à une période (les années soixante-dix) qui elle aussi a disparu et que rien ne viendra ressusciter, soit d'autres regrets, d'autres illusions. Mais cette actualité et cette Histoire semblent sourdes ou lointaines par rapport à l'autre, celle de deux hommes qui la traversent et s'éloignent avec une amertume silencieuse. Les grandes causes paraissent alors minuscules devant la politique des sentiments qu'on voudrait promise à l'éternité. Old Joy
De Kelly Reichardt
Avec Daniel London, Will Oldham, Tanya Smith
Sortie en salles le 25 juillet 2007
© Epicentre Films
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- Lire le fil réalisateur sur le blog cinémaPariscopepar Arno GaillardBallades et dialogues entre adultes confrontés au temps qui passe, un voyage en amitié fait de confessions intimes mais pudiques. Cette courte mais dense escapade avec ce touchant duo prend fin à Los Angeles; Kurt et Mark retournent à leurs vies, à la dure réalité des faits et à leurs secrets. Des secrets que le spectateur aimeraient bien rencontrer un peu plus à la fin du film. Un film mystérieux, étrange, interprété par deux acteurs qui aiment et croient en cette histoire entre l’amour et l’amitié.