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Visuellement les Coen ont atteint un sommet. Avec ses décors d'époque, ses costumes pittoresque et la photo bizarrement décolorée de Roger Deakins, l'image a le style et la force d'un dessin de Crumb. La musique omniprésente s'inscrit si naturellement dans l'histoire qu'on ne se rend même pas compte qu'il s'agit d'une comédie musicale. L'ensemble provoque une euphorie légère et très agréable.
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- Fluctuat
Le dernier film des frères Coen est un sommet du cinéma slapstick. Déjà dans Le Grand Saut (1993) ou bien Arizona junior (1986) les frères Coen usaient d'une construction narrative riche en gags visuels; on retrouve dans O' Brother la même direction d'acteur, la même virtuosité technique. Mais aussi le même manque d'ambition et de rigueur dans la mise en scène. Au final : O'Brother est une joyeuse pochade mineure dans la filmographie des Coen.
Trois bagnards s'évadent pour se lancer à la recherche d'un trésor que l'un d'eux a savamment dissimulé. Résumée ainsi, l'histoire nous paraît mince et pas très originale. Cette adaptation de l'Odyssée brille plus par les instincts scénaristiques que par sa trame. Le film est ailleurs : cela se voit dès la première séquence - saisissante - où l'on découvre des bagnards noirs entonner un negro spiritual sous l'oeil menaçant de leurs gardiens. Poser des rails, couper des arbres, on se croirait dans le très beau Luke, la main froide (Stuart Rosenberg, 1967). Plus le film avance, plus nous constatons que nous sommes dans un conte. Cette histoire est par conséquent une bouffonnerie, une des ces poésies totalement déglinguées où l'originalité provient plus d'une suite de sketchs inégalement loufoques que d'une structure narrative logique. Par définition, nous sommes dans l'incapacité de prévoir ce qui va réellement leur arriver. Nous ne saurons jamais si, le film terminé, leur quête s'est achevée.Ainsi, O'Brother... se matérialise progressivement sous nos yeux abasourdis par de constantes trouvailles visuelles. Joel et Ethan sont passés maîtres dans l'art de créer une image. Dérouter les spectateurs, les amener sur une piste complètement invraisemblable pour mieux les surprendre, pour mieux jouer avec leurs sens, tels sont les mots d'ordre des auteurs de Fargo. Le visuel chez eux est synonyme de challenge et basé sur une large utilisation référentielle. Dans un plan coennien, on peut alors déceler trois étapes : 1. L'action (l'histoire qui se met en place) 2. L'hommage artistique (un détail ou une idée de gag qui renvoie directement à une référence) 3. Le décalage (résultat de l'action et de l'hommage qui définit le mouvement de la caméra). Parfois la succession de ces plans donne au film une rigueur exceptionnelle. Car même s'il y a excès dans les clins d'oeil, il s'en dégage une personnalité qui assure sa constance au film.L'inutilité de certaines séquences (le baptême de Tim Blake Nelson et de John Turturro ou le Ku Klux Klan), la lenteur appuyée dans la direction d'acteurs (passive Holly Hunter) et surtout la déception dans la recherche formelle (découpage technique trop naïf) affaiblissent le film. Nous avons la désagréable impression que nos deux lascars ont bâclé leur travail comme s'ils ne voulaient plus perdre leur temps avec ce projet. C'est pour cela que nous rions à moitié devant les facéties visuelles de nos trois compères. On regrette alors les prises de risques dont les frères Coen étaient capables avec, par exemple, l'humour ravageur de The Big Lebowski ou alors le montage nerveux et impressionniste dans Fargo et Miller's crossing ? Il se trouve que les frères Coen jouent trop souvent avec eux-mêmes. Il ne faudrait surtout pas qu'ils oublient qu'un jour ou l'autre le public se lassera de leurs sempiternels pastiches et autres recyclages cinéphiles.O'Brother
De Joêl et Ethan Coen
Avec George Clooney, John Turturro, Tim Blake Nelson
Etats Unis / France / Royaume Uni, 2000, 1h46.