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On sent parfaitement la vitre entre l'animal, d'un côté, et le cinéaste et nous, pleins d'attentes, de l'autre. L'orang-outan est une espère à préserver. Du temps de son programme télévisé Destins, Frédéric Mitterrand s serait fendu d'un commentaire baigné de nostalgie à propos de Nénette. S'il fait lui aussi montre d'une résignation un peu mélancolique, le cinéma de Philibert, en revanche, tient par son absence de didactisme.
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On pourrait d’ailleurs s’amuser à comparer la vitre-cage de ce film avec les baies vitrées-prison dans le dernier Polanski, les deux faisant sourdre une tension entre le vraiment visible, le faussement visible et l’opaque. Le “ghost writer” n’est-il pas un genre de singe savant, quelqu’un à qui l’on demande d’arrêter de penser et d’exécuter une pirouette (booster en quelques jours une autobiographie ennuyeuse). Mais l’homme est un sujet pensant, et cela suffit à gripper la mécanique des leurres, des vérités cachées et des fausses transparences.
Nénette, de son côté, être aussi nu qu’opaque, nous renvoie le miroir de nos origines lointaines, avant l’apparition du langage, quand l’homme n’était qu’un corps réduit à des fonctions vitales basiques : se nourrir, se reproduire, dormir. Nénette est un film modeste, mais un film-question, du genre grand petit film. -
Nicolas Philibert filme [Nenette] pourtant avec beaucoup de douceur, en harmonie avec le rythme indolent de sa vie quotidienne, avec la lenteur de ses mouvements, encore ralentis par l'âge et la maladie.
Les explications et les commentaires ont beau s'accumuler, scientifiques ou poétiques, le mystère reste entier et cette incapacité à comprendre se fait si violente qu'elle rejaillit sur d'autres expériences de cinéma. On finit par se demander si tous les documentaires ne sont pas les mêmes, qui nous placent dans la situation du visiteur qui s'imagine qu'il comprend l'animal derrière la vitre.
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Elle a une telle présence, Nénette, elle dégage une telle force tranquille, son regard est empreint d'une telle sérénité qu'on ne peut s'empêcher de se poser plein de questions. Est-elle fière, par exemple, d'être devenue, avec les années, l'idole du Jardin des Plantes ? Ou n'éprouve-t-elle que du mépris pour tous ces anonymes aux visages et aux commentaires interchangeables qui, depuis trente-sept ans, se succèdent devant sa cage ? Ah, l'effet Koulechov, ce qu'il peut être contagieux !
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Nénette, l’orang-outan, est-elle triste, indifférente, dépressive ? Les commentaires pleuvent, reflets de l’état d’esprit de curieux que Nicolas Philibert ne nous montre jamais, préférant filmer le vieil animal, dont l’espérance de vie n’atteint ordinairement que 35 ans, à travers la vitre épaisse qui la sépare du monde. Dans ses yeux fatigués, on lit toute la douleur de vivre.
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Difficile, en effet, de cerner cet être vivant apathique, prisonnier de ses émotions, qui nous renvoie en pleine figure un mélange de mépris, d'indifférence et de résignation. Un mystère émotionnel sur lequel chaque spectateur peut venir y greffer ses propres incertitudes.
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Nicolas Philibert a posé sa caméra devant la vitre de sa cage. Cela donne un doc plutôt impressionniste où fusent des commentaires de toute sorte. Au fil des minutes, on finit par vraiment s’attacher à cette mamie qui a eu quatre petits et trois compagnons. Et tout comme l’avouent les soignants eux-mêmes, on éprouve un serrement de cœur de la savoir enfermée – elle qui est née libre – depuis si longtemps.
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Et Nénette, dans tout ça ? Impériale, elle n'a rien à opposer, aux bruits du monde comme à la petite mécanique du film qui s'active malgré elle, qu'un immense ennui. De ce point de vue, Philibert a raison, et son pari est réussi : Nénette, c'est nous.