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POUR
« Tout était de la faute de mes quatre enfants qui ont ce don quasi magique de faire foirer toutes mes tentatives d’accès au bonheur. » Dès le monologue d’ouverture, le ton est donné. La mauvaise foi et le cynisme sont les deux moteurs du personnage principal, Henry, un quinquagénaire en crise, aussi peu inspiré dans son travail de romancier que dans son couple. Il s’offre une planche de salut en la personne d’un horrible chien, aussi embarrassant que mal élevé. Entre la présentation de la famille à la dynamite et les excès du molosse priapique, le film démarre sur les chapeaux de roues. Yvan Attal renoue avec la comédie. Il excelle, qui plus est, dans le rôle du type un peu lâche. Jouant du vrai et du faux, il s’amuse à projeter l’image du couple qu’il forme avec Charlotte Gainsbourg dans l’inconscient du spectateur. Comme pour Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, dont ce film peut se lire comme le troisième épisode, il fait le double jeu d’une fiction autobiographique. Ajoutez à cela que Ben Attal (le fils du couple) fait aussi figure de fils aîné et se révèle aussi bon comédien que ses parents. Il s’intègre à une fratrie de jeunes acteurs très singuliers comme Panayotis Pascot qu’on découvre – après ses sketches au “Petit Journal” –formidable en cadet arrogant et surfeur. Progressivement, le ton du film va glisser vers la mélancolie. Au fur et à mesure que la maison se vide de ses enfants, Attal dévoile un film âpre sur le temps qui passe. Mon chien Stupide n’est pas un John Fante comme les autres. Oeuvre de vieillesse du romancier, il est moins âcre que la saga des Bandini. Yvan Attal, s’il l’a modernisé, a rendu le propos plus universel et révèle une comédie au vitriol sur le couple et la famille. En s’appropriant l’œuvre de Fante à sa manière, il signe un de ses films les plus personnels et les plus touchants.
Sophie BenamonCONTRE
Penser que sa vie de couple à la ville avec Charlotte Gainsbourg ait suffisamment d’intérêt pour mériter une trilogie à l’écran est déjà un mystère en soi, mais se servir si maladroitement de l’œuvre de John Fante pour arriver à ses fins met soudain toute la lumière sur la grossièreté de l’entreprise. Yvan Attal est donc Henri, qu’une voix off (procédé devenu figure imposée pour cinéastes paresseux) nous décrit en lose complète : panne d’inspiration (tiens donc !), libido en berne, progéniture jeune donc encombrante et un peu conne... Heureusement, le cadre d’une maison bourgeoise sur la Côte basque qui sent à plein nez le Airbnb spécial cinéma français (rendre le lieu aussi propre que vous l’avez trouvé en arrivant) allège un peu le tableau. En son sein tout est factice, les dialogues (récités), les personnages (stéréotypés), les situations (téléphonées), la mise en scène (illustrative) ou encore le chien (accessoire). Reste donc l’essentiel : Yvan Attal gorgé de lui-même, qui joue les cyniques à bon compte, fume le cigare, conduit une Porsche vintage, demande à bobonne de faire réchauffer le gratin, balance des réflexions homophobes, se moque des gens qui ne lui ressemblent pas (le militaire forcément facho, la stripteaseuse forcément idiote...), sans trop se censurer (c’est du Fante, ok ?). On voit bien que le cinéaste aimerait se voir en Cassavetes séduisant sa Rowlands, témoin cette scène gênante sur le canapé où les vapeurs d’un joint autorisent une complicité de couple devenue inédite. Et puis, une fois que chacun aura joué sa petite partition et permis au héros de se retrouver seul avec son inspiration enfin retrouvée, un tricotage narratif le placera sur le piédestal qu’il n’a finalement jamais quitté. Lui n’aura pas eu besoin de bouger. Les autres devront s’excuser de l’avoir fait. On attend avec impatience les aventures d’Yvan et Charlotte du côté de chez Swann.
Thomas Baurez