Toutes les critiques de Memory Lane

Les critiques de Première

  1. Première
    par Isabelle Danel

    Une voix off nous avertit d’emblée : ce présent sur l’écran est déjà révolu, et peut-être même n’a-t-il pas tout à fait existé de cette manière... Finalement, c’est tout ce qu’on lui souhaite car, dans la vie de ces jeunes gens, au demeurant charmants, il ne se passe rien et, à force, ça lasse ! On voit bien ce que Mikhaël Hers (auteur de trois moyens métrages remarqués : Charell, Primrose Hill et Montparnasse) veut faire avec ce premier long. Il cherche à filmer un entre-deux. Ni l’adolescence ni tout à fait l’âge adulte ; ni Paris ni la province ; ni le désespoir ni le bonheur... Ses héros ne cessent de marcher et de passer des ponts et, quand ils s’arrêtent, c’est pour regarder au loin en silence. Là où plein de jeunes cinéastes vont dans la surenchère d’explications, Hers privilégie l’épure, mais il place le spectateur dans une telle impossibilité de comprendre qui sont ses personnages, en dehors de quelques grandes lignes (l’amoureux, le dépressif...), qu’il finit par avoir raison de nous.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat
    par Eric Vernay

    Comme dans Plimrose Hill, la médiathèque, où travaille Vincent dans Memory Lane, permet une rencontre fugace avec d'anciens camarades de collège, dont les goûts musicaux en diront peut-être autant qu'une longue discussion. Chez Hers, offrir un CD n'est pas non plus un acte anodin, pouvant se changer en déclaration d'amour. Et un simple choix de playlist influe sur le déroulement d'une soirée.
    Ici, la musique relie surtout les personnages au sein d'un groupe de rock. En même temps qu'un morceau se construit par petite touches, dans la cour de récré de leur enfance réinvestie pour l'occasion, s'ébauchent des personnalités, dont Hers tire doucement les fils. Pour les incarner, on retrouve des acteurs fétiches de Hers, comme Thibault Vinçon, Lolita Chamah ou la gracieuse Stéphanie Déhel, mais aussi des visages rohmériens (Didier Sandre et Marie Rivière), croisés lors d'un Conte d'automne. Aspirés par des travellings arrières typiques du réalisateur, ils donnent la chair nécessaire à ce film-bulle délicat en forme de work in progress émotionnel. Un œuvre entêtante, mais frôlant sans cesse l'inconsistance.

  2. Nouvel Obs
    par Lucie Calet

    "Memory Lane" élève en sondant un temps suspendu, et en portant une attention soutenue à chacun de ses personnages (qui dira assez la joie de retrouver Marie Rivière après Rohmer ?). Son épure laisse sourdre une infinie mélancolie. Par la grâce de comédiens, tous épatants et ténus, quelque chose de subtil s’échappe, en cette fin d’été, dans cet entre-deux qui précède l’âge adulte, qui ne sera plus.

  3. Les Inrocks
    par Amélie Dubois

    De ces retrouvailles avec le même, les personnages tirent une expérience nouvelle, pas toujours agréable : l’inévitable et cruel constat d’un changement (le cancer d’un père, l’atmosphère asphyxiante d’une maison de famille désertée).
    La présence de Marie Rivière (la gardienne de l’école) apporte au film une brève coloration rohmérienne magique mais aussi trompeuse quant aux références possiblement convoquées.
    Les leitmotiv du film – les plans sur la ville traversée par un train, les marches des personnages – évoquent surtout le cinéma japonais classique, Ozu, Naruse… Un monde ordinaire et flottant qui, sous ses airs tempérés, distille de belles touches suggestives et fait s’entrechoquer en sourdine des temps et des sentiments forts, créant d’émouvants moments de rétention d’un présent que tout le monde sait éphémère.

  4. Le Monde
    par Jean-Luc Douin

    Comment dire la fragilité qui sourd entre les plans de ce film qui ne semble aligner que des émois mineurs, et dont l'application à cerner son ancrage géographique rappelle d'autant plus les films d'Eric Rohmer que l'on y retrouve l'actrice Marie Rivière ? Peut-être en le rapprochant de l'univers de Patrick Modiano (dont Mikhaël Hers adapta De si braves garçons). Comme les romans de cet écrivain de la jeunesse perdue et des boulevards de ceinture, Memory Lane tourne le dos au naturalisme pour arpenter des lieux de mémoire, des quartiers somnambuliques, et guetter des fantômes.

  5. Télérama
    par Jérémie Couston

    Il faut chercher le secret du cinéma désenchanté de Mikhaël Hers dans sa passion pour la pop anglaise. Le fragile équilibre de son nouveau film (et de ses trois moyens métrages, Charell, Primrose Hill, Montparnasse) vient de sa petite musique interne, de sa construction faussement banale. Comme une pop song dont l'insignifiance des paroles dissimule la subtilité des arrangements et de la mélodie. Les dialogues de Memory Lane, d'une platitude délibérée (on y parle des prunes de la voisine, de se réinscrire au cours d'italien ou d'un Caddie à changer), font pourtant surgir de purs moments de grâce. Une formidable troupe d'acteurs accompagne Mikhaël Hers depuis ses débuts (Thibault Vinçon, Lolita Chammah, Stéphanie Déhel, Didier Sandre, tous au diapason), toujours juste, à la nuance près. Les conversations importent moins que le rythme des mots, souvent murmurés avec une douceur infinie, pour réconforter, surmonter la douleur.

  6. Chronic'art
    par Nicolas Truffinet

    Cette petite musique n'en finit pas moins par se charger d'une émotion immense, du fait de la bienveillance et de la finesse du regard. La tutelle de Rohmer se trouve plutôt ici : comme ce dernier, dont le cinéma continue d'être associé, absurdement, aux vacances à Deauville, alors qu'il a su dépeindre comme personne en France les classes moyennes, Hers dessine avec une belle attention des personnages dont le cinéma français se montre singulièrement avare, dans un soucis topographique qui est sa plus grande qualité. Plus apaisée que dans Le Rayon vert, Marie Rivière est magnifique, dans un rôle de quinquagénaire isolée. Le ton ici est parfait : cette tristesse n'est jamais martelée, ni totale, toujours nuancée. Le reste est à l'avenant : il y a eu d'autres histoires de coeur cette année, mais peu d'aussi touchantes que cette romance qui n'en finit pas de démarrer. D'autres récits de maladie, mais pas de scène aussi bouleversante que cette ballade entre une fille et un père condamné. Dans ces moments-là, Memory lane n'est pas loin d'être magnifique.

  7. A voir à lire
    par Sébastien Mauge

    Malgré quelques défauts, Memory Lane est une jolie bulle de nostalgie empreinte de douceur et d’amertume. Un premier film intéressant.

  8. L'Express
    par Christophe Carrière

    Si c'est filmé avec soin, on connaît tout cela par coeur et, du coup, on s'en fiche quand même pas mal.

  9. Télérama
    par Pierre Murat

    On peut évoquer la mélancolie sans mollesse et l'insatisfaction sans mièvrerie. Tchekhov l'a fait avec des mots, Antonioni avec des images. Chez le gentil Mikhaël Hers, hélas, la difficulté d'être qu'il cerne obstinément reste plate. La faute, sans doute, à ces « adulescents » qui lui servent de personnages : sympathiques zombies qui semblent las de vivre avant même d'avoir commencé. « Mais ils souffrent, ces pauvres jeunes gens ! » dira-t-on sans doute. La belle affaire ! Il est des douleurs bouillonnantes, révoltées, éclairantes ou désespérées. La leur est si invertébrée qu'elle aurait du mal à tenir debout toute seule, si on l'en priait. On la contemple donc de loin, à distance respectueuse, comme pour une maladie contagieuse qu'on ne voudrait surtout pas attraper.

    Ce qu'il y a de joli, en revanche, dans les moyens métrages du cinéaste, et ce long qui leur ressemble comme un copier-­coller, ce sont ces garçons et ces filles qui marchent. Sans se parler, sans se frôler, sans même se regarder. Pour l'instant, le talent de Mikhaël Hers - car il en a ! - consiste à accompagner avec sa caméra des jeunes gens qui vont de l'avant, tout en donnant l'impression de faire du surplace. Ce n'est en rien déshonorant. Il faut juste que ses fans se calment.