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Depuis deux ans, le cinéma français se fait logiquement l’écho de la crise. Après 8 Fois debout, D’amour et d’eau fraîche, Toutes nos envies, et simultanément à la sortie d’Une vie meilleure, voici Louise Wimmer, l’un des films les plus forts de sa catégorie. Sans jamais flirter avec le pathos social, Cyril Mennegun, dont c’est le premier long métrage, montre le quotidien d’une survivante qui, la tête haute, siphonne l’essence des réservoirs, finit les assiettes des autres à la cafétéria et se lave dans les toilettes publiques avant d’aller chercher son courrier au bar PMU du coin. Ça sent les pissotières,
la frite tiède et le tabac froid, mais jamais l’autocomplaisance. À chaque seconde, le film nous renvoie à la violence de la condition de cette femme seule qui dort dans sa voiture, à une ouverture de portière du caniveau. Avec sa voix de mec, sa gueule rêche et son regard fier, Corinne Masiero, géniale, inspire tout sauf la pitié dans ce rôle d’héroïne précaire mais vivante.
Toutes les critiques de Louise Wimmer
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ce premier film marquera l'année 2012.
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Porté par une actrice formidable (Corinne Masiero) qu'on peut, dans un autre registre, voir à la télévision dans Fais pas ci, fais pas ça, il dégage sa force de son honnêteté permanente, son souci de ne jamais en rajouter. Le sourire de la fin est à lui seul un bonheur de cinéma.
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Pour Mennegun, qui cite volontiers parmi ses influences Cassavetes, Loach, les Dardenne ou Cantet, il s’agit aussi de s’extirper du registre du mélo, ainsi a-t-il construit une héroïne volontiers revêche, mal aimable, dure, qui évolue en dehors de tous les codes de l’identification pathétique. Tout est négociation et ruse dans son quotidien, et le film décrit avec minutie le vaste nuancier des humiliations qui se trament dans les existences à la dérive.
Louise est interprétée par Corinne Masiero, beaucoup vue au théâtre. L’osmose entre l’actrice, le rôle et le metteur en scène est ici totale. Il y a un plaisir particulier à assister à ce précipité chimique de l’alliage parfait, quand il y a ainsi un équilibre dans la forme dès lors qu’il s’agit de montrer au contraire un individu et une communauté humaine profondément désaccordée. -
Cette empathie qui va croissant tient d'abord à la manière dont Cyril Mennegun mène son récit, découpé en blocs assez brefs qui prennent tout juste le temps de dessiner une situation, d'en définir les enjeux et de mettre en scène la stratégie qu'adopte l'héroïne pour y faire face. Jamais le metteur en scène ne s'attarde, tenant ainsi les tentations et les pièges du mélodrame à l'écart.
Finalement, Louise Wimmer est un film de guerre. Corinne Masiero, avec son mélange de brutalité et d'élégance, repart sans cesse à l'assaut. Elle alterne les coups de main (il faut découvrir au fur et à mesure ces situations impossibles que fait surgir la misère, et les trésors d'astuce et de persévérance qu'il faut pour les conjurer) et les affrontements à terrain découvert, avec les membres de sa famille, ses interlocuteurs de l'administration, les agents du maintien de l'ordre.
Ces personnages restent d'une certaine façon à la périphérie de la vie de Louise, elle est engloutie dans la solitude et la misère. Pourtant, le film fait leur place à ces seconds rôles, tous interprétés avec une grande rigueur (Anne Benoît en patronne de café est parfaite, par exemple : elle n'a pas un grand coeur, elle a un coeur qui fait ce qu'il peut) si bien que le monde dans lequel se débat Louise Wimmer reste humain, malléable quand même malgré son extrême dureté pour les faibles. Quant à savoir si Louise aura prise sur lui, il faut passer quatre-vingts minutes avec elle pour le découvrir.
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Ce premier film en dit long sur la précarité d'aujourd'hui. Se laver où l'on peut, se changer sur un parking, manger à l'oeil à la cafétéria, siphonner de l'essence en plein milieu de la nuit quand les autres sont bien au chaud : autant d'humiliations et de systèmes D que Cyril Mennegun peint avec le détail juste, sans misérabilisme. Etre précaire, c'est tenir le coup, ne pas lâcher, pour ne pas tomber plus bas. Alors, quand la voiture de Louise refuse de démarrer... Que reste-t-il quand on a dégringolé ? La dignité. Et la solidarité naturelle de gens simples. Une patronne de bistrot, un pote de PMU serviable qui ne posent pas de questions... Le réalisateur ne donne que quelques indices sur le passé de Louise. Grâce à une jolie scène où elle « emprunte » une robe noire, des bijoux et du maquillage, on comprend la femme séduisante et aisée qu'elle a été.
Elle encaisse, Louise. Avec, toujours, le blues de Nina Simone en fond sonore. Elle finira par s'en débarrasser, après une véritable scène de transe à laquelle Corinne Masiero donne toute sa force. Cette comédienne est une révélation, à la fois solide comme un roc et fissurée de partout. A la fin, Louise lève la tête, et, de l'autoradio, cette fois, sort un tube planant des années 1960. Une chanson sur une femme qui en a bavé, et qui finit par ces mots : « La course est presque gagnée... »
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Quelle belle actrice que Corinne Masiero, qui empoigne avec puissance ce personnage de passante, de fugitive qui n’abdique pas et s’accroche aux derniers lambeaux de sa dignité, accompagnée de la voix fêlée de Nina Simone. Louise, exemple brutal de ces nouveaux pauvres qui travaillent mais ne peuvent se payer un logement, un fait de société approché avec force par le réalisateur venu du documentaire. Comme son héroïne qui ne sombre pas, le film jamais ne tombe dans le larmoyant, conservant une part d’espoir à laquelle on s’accroche, la larme à l’œil quand, dans un paysage de tours sans attraits, un HLM apparaît comme le plus beau refuge du monde.
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Dans Louise Wimmer, Cyril Mennegun chronique le quotidien d'une femme plongeant dans la précarité. Un film politique sans concession.
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(...) Ce film est réalisé avec une telle pudeur qu'on est emporté par sa justesse et qu'on en sort bouleversé et fasciné par le jeu de l'actrice Corine Masiero.
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L'actrice chti Corinne Masiero illumine Louise Wimmer (...)
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par Vincent Malausa
(..) L'interprétation éblouissante de Corinne Masiero, qui trouve dans ce premier rôle d'envergure (au cinéma) l'occasion d'éclater au grand jour.
Issu du documentaire, Cyril Mennegun signale à grands traits son expertise dans des séquences hyperréalistes (une sorte de manuel de survie), accordées par un scénario malin qui fait du plus petit accident (climax : une panne de voiture) un nouveau motif de suspense – au risque d’une certaine complaisance.
Tout cela serait déjà vu (les Anglais font ça depuis cinquante ans), ou anecdotique si Louise Wimmer n’entraînait pas dans sa chute une idée de la France telle qu’elle va, et dont les termes propulsent le film bien au-dessus de la petite chronique à fleur de réel.
Le monde du travail, le vieux mythe de la solidarité de classe, la famille, l’amitié : c’est un champ de ruines dans lequel se débat Louise Wimmer, un vaste no man’s land où les valeurs d’hier sont battues en brèche par un capitalisme sans nom.
On pourrait légitimement refuser ce constat, s’indigner d’un film qui n’offre aucune issue de secours véritable à son personnage (ou alors l’image d’un bonheur dévoyé dans un dernier plan saisissant), lui préférer l’optimisme béat et réconciliateur de quelques comédies populaires. On pourrait.