Première
par Sylvestre Picard
Tous les voyants étaient au vert : pas de PG-13 imposé, un studio inquiet par la noirceur et la violence affichée du montage final, un script inspiré de Old Man Logan (le meilleur comics écrit par Mark Millar) qui place le mutant griffu dans une Amérique post-apocalyptique où les superhéros sont tous morts... Et, par-dessus tout, la promesse pour Hugh Jackman de dire enfin adieu à Wolverine, à un personnage qu'il incarne depuis dix-sept ans, depuis le premier X-Men de Bryan Singer. Pendant sa première partie, Logansemble bien prêt à accomplir tout ce beau petit programme. Nous sommes en 2029, et tous les Mutants ont été exterminés. Quelque part le long de la frontière autour d'El Paso, Logan s'est rangé et est devenu chauffeur de limousine, alcoolo, boiteux et mal rasé qui veille sur le professeur Xavier, devenu à moitié fou et abruti de drogues, planqué dans un réservoir d'eau abandonné. Cette tentative de dégraissage ultime de la franchise X-Men, déjà initiée -tout est relatif- avec Wolverine : Le Combat de l'immortel, fonctionne terriblement bien. Hugh Jackman, impérial, traîne sa carcasse velue et grisâtre face à la carcasse du professeur X, roi Lear télépathe en chaise roulante destiné à crever des erreurs de son passé. Survient une petite fille dotée des mêmes pouvoirs (griffes en adamantium, régénération, caractère de merde) que Logan, une petite fille traquée par Donald Pierce, un mercenaire impitoyable, et une traque sanglante commence le long des routes de l'Amérique. Une Amérique future dont on ne verra que quelques fragments, notamment à travers la figure d'un fermier généreux cherchant à résister à des cultivateurs de maïs OGM sans scrupules prêts à employer la violence (comme quoi rien ne change).
HUGH JACKMAN NE DIT PAS NON À D’AUTRES WOLVERINE (ET À UN CROSSOVER AVEC DEADPOOL)
La violence "graphique" comme disent les Américains est bel et bien présente, mais n'ajoute en fin de compte pas grand-chose au métrage, à l'exception de quelques plans tout à fait frappants (tous d'ailleurs à base de têtes coupées). Une violence explicite pas suffisamment signifiante pour qu'il s'agisse d'autre chose que d'un simple argument marketing dans la même lignée que Deadpool ("venez voir le film de superhéros pas comme les autres"). Mangold n'interroge d'ailleurs la violence de Wolverine (et donc, du film) qu'à travers une citation explicite du western pontifiant L'Homme des vallées perdues (1953) qui prétend fournir une morale toute cuite à Logan ("la violence est une impasse", en gros). La morale de Logan, qui se termine plus ou moins dans les clous de la franchise X-Men (sans complots planétaires, cependant) au son de "The Man Comes Around" de Johnny Cash, est que l'on finit toujours par se faire rattraper par sa nature profonde. Logan reste un divertissement solide grâce au charisme inoxydable de Jackman et aux scènes d'action fort efficaces, mais n'offre pas à notre mutant favori le requiem de cinéma âpre et émouvant aux larmes qu'on était légitimement en droit d'espérer.