-
Argo était un drôle de film. Ben Affleck infusait ses petites obsessions dans ce qui ressemblait plus à un caprice de décorateurs et de costumiers qu’à un vrai film d’auteur, loin, très loin, du sublime Gone Baby Gone. Après l’Oscar, le triomphe à la barbe de Spielberg, ce nouveau polar pourrait remettre les pendules à l’heure. Live by Night raconte l’histoire de Joe Coughlin, petit malfrat qui, dans les années 30, quitte son Boston natal, monte un trafic de rhum en Floride et devient un parrain local. Taillé à l’ancienne, fluide et lumineux, le film fait d’abord penser à une démonstration postmoderne où l’enjeu pour Ben Affleck serait de dialoguer avec ses cinéastes de chevet – John Huston et Raoul Walsh, David Lean et le Warren Beatty de Reds. C’est très beau, étouffant, la reconstitution est parfaite, mais on a vite peur d’être embarqué dans un de ces films de gangsters et traquenard en costard.
Dennis Lehane commente les adaptations de ses romans
Mais une fois son héros établi, Affleck taille dans le bouquin de Lehane, trouve ses marques avec une sûreté stupéfiante et cesse de se battre avec les codes du polar 50s pour parvenir au parfait équilibre entre sécheresse, violence et sentiments. Son héros symbolise bien cette balance – type redoutable mais inconsolable de la mort de sa femme ; voyou amoureux mais avec des principes. Live by Night se transforme alors en beau mélo chromé, déploie son romantisme vénéneux sans cliché (étrangement rien n’est fatigué, ni les héros, ni les acteurs, ni les dialogues) et se rattache au classicisme tout en s’en démarquant avec sûreté et assise. Un cinéaste est (re)né.