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Tout le monde perd la tête et Scorsese fait tourner la nôtre avec cet implacable polar rouge sang à l’humour très noir et aux dialogues orduriers, aussi foudroyants qu’une balle en pleine tête. Exercice de style en partie destiné à requinquer le cinéaste au box-office, Les Infiltrés nous plonge néanmoins dans un monde de duplicité et de trahisons, miroir assassin jeté à la face d’une Amérique avariée. Le pire, c’est qu’on en redemande.
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Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Paris Matchpar Alain Spira
En s’appropriant le remake du surprenant thriller hongkongais « Infernal Affairs » réalisé en 2002 par Andrew Lau et Alan Mak, Martin Scorsese signe un grand film de gangsters avec son panache habituel.
- Fluctuat
Remake d'Infernal Affairs, film hong-kongais d'Andy Lau, Les Infiltrés permet surtout à Martin Scorsese de revenir sur tous les thèmes qui le hantent afin de parler, encore et toujours, de la Famille, du Cinéma et de ses apparences... Reste à savoir si ce film est une énième redite du travail du grand réalisateur ou s'il offre un regard novateur.
- vos impressions ? discutez du film Les infiltrés sur le forum cinémaInfernal Affairs est un superbe prétexte. En effet, même si l'histoire capte le spectateur, le scénario des Infiltrés, globalement identique à celui d'Andy Lau, est des plus secondaires. Plongé au coeur de la police de Boston, il raconte l'évolution de deux flics diplômés de l'unité d'élite à qui on demande d'arrêter le chef d'un gang mafieux : si l'un, Colin Sullivan (Matt Damon), est un homme du dangereux parrain Frank Costello (Jack Nicholson), l'autre, Billy Costigan (Leonardo DiCaprio), va devoir infiltrer l'association de malfaiteurs pour tenter de la faire tomber de l'intérieur. Marti Scorsese renoue ici avec des histoires de mafia mais choisit de s'éloigner des clichés. Tout d'abord, en plaçant son film au coeur de Boston, il donne à ses méchants la nationalité irlandaise. Exit donc les repas en famille, les plats de pâtes et les parrains religieux, ici tout le monde a les mêmes racines et les mêmes coutumes puisque, comme on le sait, nombre de policiers américains sont irlandais. Gentils et méchants sont tous de la même origine et liés par l'arme qu'ils utilisent ou dont ils seront victimes : ce qui fait dire à l'un des personnages : "flics ou voyous, quelle différence quand on se retrouve braqué ?". Dès lors comment se définir, quelle est la marque de son identité ? Réside-t-elle dans le sacrifice ? Là encore, bon flic et mauvais ont mis leur vie entre parenthèses au profit de la cause qu'ils servent et se retrouvent incapables de se défaire de cet engagement.Les Infiltrés parle aussi de l'Amérique d'aujourd'hui. Dans une séquence, Colin Sullivan, flic mafieux voit sa tâche facilitée par le Patriotic Act, loi votée par le Congrès après les évènements du 11 Septembre et élargissant le contrôle des individus... Une autre encore montre que les caméras de surveillance placées dans les rues ne permettent pas d'identifier tous les voleurs ni tous les passants. Démontant les images, les attitudes classiques et présupposées des flics et des voyous, Scorsese fait parler un des jeunes bleus sur le sentiment de tuer. Répondant à ses chefs de la police afin que ceux-ci déterminent son affectation, le personnage de DiCaprio démonte en une phrase les poncifs des feuilletons et autres images de flics : devenus modèles de la réalité, ils ont appris aux policiers à pleurer après s'être servis de leur arme. De l'hypocrisie du monde, manipulé par les images hollywoodiennes : Scorsese ne nous jouera pas ce jeu des faux-semblants et personne ici ne sera dupe du plaisir de faire le mal ou de se servir de son arme. Certes, les mafieux sont prêts à toutes les atrocités pour le pouvoir de l'argent. Pourtant jamais ils n'envisagent de faire sauter un lieu de pouvoir tel que le Dôme. Ils préfèrent les infiltrer. L'une des premières choses que Colin Sullivan, auréolé de ses nouvelles fonctions de super flic, va faire sera de louer un appartement en face de ce monument afin de le tutoyer. Dès lors, Scorsese n'aura de cesse de le placer dans le champ, soulignant ses dorures, étincelantes même en arrière-plan.Dans Infernal Affairs, les personnages étaient plongés dans une histoire infernale au sens premier du terme. Dépendant des règles des milieux, ils étaient les pions d'une situation dont on sentait l'incroyable tension grâce à une mise en scène très resserrée et à un montage au cordeau. Ici, les plans sont plus larges, Martin Scorsese fait un film globalement plus lumineux, nombre d'évènements ont lieu en plein jour. Il n'hésite pas à verser parfois dans la caricature et le grotesque, quitte à souligner encore et toujours que le film est bien une comédie du pouvoir. Si Les Infiltrés parle du spectacle, il insiste sur l'implication de chacun dans son propre rôle professionnel et social. A-t-on l'air d'être ce qu'on est, demande le réalisateur. Pantins dépendants des évènements provoqués par des sortes de dieux à Hong-Kong, les personnages sont davantage leurs propres moteurs ici. Si à chaque plan du film d'Andy Lau, on a l'impression que chacun peut mourir d'une balle dans la tête, chez Scorsese l'enjeu est de savoir si les personnages ne deviendront pas fous à force de jouer avec leurs schizophrénies. Là réside toute la noirceur du film. A quels points les personnages sont et peuvent être eux-mêmes : après avoir percé les corps dans tous les sens, Scorsese pose ici de manière autrement fondamentale la question de l'incarnation. D'ailleurs, le titre anglophone indique d'emblée que là est le centre du film - The Departed signifie "les décédés". Si le metteur en scène nourrit ses réflexions d'un incessant va-et-vient entre différentes citations de ses propres films, il porte aussi un regard sur sa propre mise en scène. Du jeu des personnages aux personnages d'un jeu, Les Infiltrés, servit par des acteurs des plus crédibles même dans leurs hésitations, élargit le champ des interrogations premières du réalisateur qui nous offre là un film magistral.Bande annonce :Les Infiltrés
Réalisé par Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Jack Nicholson
Etats-Unis, 2006 - 2h30
Sortie en salles (France): 29 novembre 2006[Illustrations : © TFM Distribution]
Sur Flu :
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