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Réalisateur de documentaires (comme Ceuta, douce prison, où il filmait des exilés cherchant à rejoindre l’Europe), le français Jonathan Millet a aussi habité à la fin des années 2000 en Syrie et a, depuis, recueilli divers témoignages de personnes dont la vie a été dévastée par la guerre civile survenue en 2011. Désireux de raconter l’histoire d’une cellule secrète - comme il en existe dans la réalité - qui traque des criminels de guerre syriens cachés en Europe, le cinéaste délaisse ici le documentaire pour embrasser le cinéma d’espionnage et laisser libre cours à une exploration romanesque de cette quête de justice. En suivant Hamid, jeune Syrien qui fut torturé dans les prisons de Bachar al-Assad et qui se retrouve à Strasbourg sur les traces de son ancien bourreau dont il n’a jamais vu le visage, ce captivant thriller transforme une mission d’infiltration en un fascinant empire de sensations intimes et de souvenirs traumatisants. Au coeur de décors en apparence tranquilles (une université française, un marché de Noël alsacien…), un tourbillon spirituel et sensoriel agite ainsi le héros, ancien professeur de littérature hanté par la guerre qu’Adam Bessa (Harka) campe avec une émouvante retenue. Jonchée de filatures urbaines, la mise en scène montre comment l’étouffant art du mensonge cultivé par Hamid constitue en même temps son seul espoir de libération. Et le film de faire au final émerger la lumière pour affirmer que les existences les plus tragiques peuvent contre toute attente être apaisées dignement.