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Sur un sujet aussi lourd, Trapero aurait pu se complaire dans le misérabilisme cheap et le prêche sentimental. Navigant à la frontière entre le film de prison et le docu social, il évite ces ornières, optant pour un réalisme sec en trempant son objectif dans un quotidien aliénant. Les petits deals, les bagarres entre filles, une émeute avortée et les visites épisodiques sont traités de manière antispectaculaire. Routinière. Parce que Julia s’adapte à tout et que Leonera devient le portrait d’une résignation muette, silencieuse... Jusqu’au moment où la mère de Julia embarque le gamin. Là, la lionne sort ses griffes, et le film bascule. La force de Leonera réside dans la manière qu’a Trapero de faire résonner l’acceptation douloureuse et passive de Julia dans son environnement confiné. On peut toujours parler de la sublime Martina Gusman, mère courage, animal docile qui devient hystérique quand son fils lui est enlevé (elle aurait dû remporter le Prix d’Interprétation cannois), mais la mise en scène subtile, presque déstabilisante (pas d’émotion, pas de choc), suffit à emporter la mise.
Toutes les critiques de Leonera
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Ellepar Françoise Delbecq
Dans l'absolu, il s'agit d'une histoire de rédemption, puisque la lumière est au bout du chemin, mais on évite heureusement l'écueil du pathos.
- Fluctuat
La remarquable mise en scène de Pablo Trapero s'appuie sur l'interprétation impressionnante de sa compagne, Martina Gusman, pour accoucher d'un très beau film sur le milieu carcéral au féminin. Confirmation d'un réalisateur qui monte.Julia se réveille maculée d'un sang qu'elle ne voit pas. Ce n'est qu'à l'issue d'une journée studieuse qu'elle découvre deux corps gisant dans sa cuisine. En état de choc, elle est arrêtée et n'aura, dès lors, qu'une seule raison de ne pas se laisser aller : son fils, né en prison, qui restera vivre avec elle jusqu'à l'âge de 4 ans. Mais après ? Avec de tels ingrédients, Pablo Trapero évite pourtant la pente savonneuse du mélo larmoyant en choisissant de ne pas donner d'indications sur la culpabilité de son héroïne. Sa première ambition n'est pas de narrer un combat contre une injustice mais plutôt de poser sa caméra dans une prison pour femmes, de capter les relations qui s'y créent et d'observer l'organisation de ce monde à part (une communauté de femmes et d'enfants) où chaque détail prend des proportions inattendues. Maintenir une telle zone d'ombre lui permet aussi de souligner l'aspect aléatoire du système judiciaire mais joue un peu contre l'implication du spectateur, observateur détaché d'un parcours pourtant douloureux. Heureusement, la superbe interprétation, très physique, de Martina Gusman finit par compenser ce petit défaut. Pablo Trapero confirme ici le talent que l'on avait deviné dès le minimaliste et touchant Mundo Grua, grâce, notamment, à sa méticuleuse observation du milieu carcéral. Il réussit à combiner des plans très académiques qui mettent en scène les obstacles infranchissables (barreaux, grilles, miradors) avec d'autres, pris sur le vif, d'un réalisme saisissant, proche du documentaire. Avec les premiers, ils quadrillent verticalement et horizontalement un univers étouffant et sans ouverture, et des seconds, il tire des moments intenses (jour de noël) et vivants, aussi bien dans la cruauté et la violence que dans la joie et l'amour. Les hommes, rares, ne gravitent qu'à la périphérie de son récit. Ils ne sont cependant pas anodins : à l'origine de l'incarcération, piliers de l'univers judiciaire ou pénitentiaire, ils sont les parasites qui pèsent fortement sur le sort de l'héroïne, et, on le devine, sur celui de chacune des détenues. Face à la domination masculine, les femmes ne sont cependant pas des saintes et la seule innocence qui vaille, celle qui mérite que l'on se batte, est donc celle de l'enfance. Ce beau film, éprouvant, est avantageusement traité « à la dure » malgré son potentiel hollywoodien et confirme les bonnes dispositions du prometteur Pablo Trapero.LeoneraDe Pablo TraperoAvec Martina Gusman, Elli Medeiros, Rodrigo SantoroSortie en salles le 3 décembre 2008 - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils festival de cannes, sélection officielle, actrice sur le blog cinéma- Lire la critique de Mundo Grua