Première
par Sophie Benamon
Entre octobre 1963 et juin1964, s’est tenu le procès de Rivonia en Afrique du Sud. Les accusés : Nelson Mandela et les leaders de l’ANC–le parti anti-apartheid- et ceux qui les aidaient. Ces hommes, des noirs, des blancs, un indien, risquaient la mort. Ils ont tenu tête contre le racisme d’Etat. Six d’entre eux seront condamnés à la prison à perpétuité. Ils ne recouvreront la liberté que 36 ans plus tard. De ces heures de réquisitoires et d’interrogatoires, il n’y a aucune image, mais l’intégralité des actes a été enregistrée. Ce sont ces archives audio miraculées des années Apartheid qui arrivent pour la première fois à nos oreilles. Outre le fait d’exhumer ce document historique, c’est la manière dont le font les réalisateurs Gilles Porte et Nicolas Champeaux (ancien correspondant de RFI, spécialisé dans l’Afrique du Sud) qui est admirable. Le récit du procès est illustré par de magnifiques animations signées Oerd. Elles donnent l’impression d’avoir été griffonnées à la craie noire ramassée sur le sol d’une prison. Très stylisés, les dessins virent parfois à l’abstraction, conférant un lyrisme étonnant aux propos. Et puis, il y a les témoignages des survivants. Réagissant aux paroles surgies du passé qu’ils écoutent au casque devant nous, ces vieillards livrent leur version intime de l’histoire. Forcément bouleversante. Quelle bonne idée aussi de donner la parole aux fils et aux épouses, victimes collatérales de l’engagement de leur proche. Rarement la résistance n’aura eu visage plus significatif que celui d’un fils séparé trente ans de son père. Le film remet le collectif en avant, là où le régime anti apartheid avait focalisé la responsabilité d’une cause sur un homme (Mandela). Mais c’est ensemble que les accusés de Rivonia avaient décidé de laisser Mandela s’exprimer par un discours –devenu célèbre. Les réalisateurs donnent à entendre sa voix à de jeunes sud-africains d’aujourd’hui, noirs et blancs. L’émotion est grande.