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Avec La graine et le mulet, son chef-d'oeuvre, Abdellatif Kechiche pousse chaque scène à bout avec une maestria confondante. Il fait oublier sa caméra aux comédiens, filme sur la longueur en plans-séquences, dédaigne le beau et l'étincellement de l'instant pour capter des morceaux de vie. Lyrique mais lucide, fasciné par les rituels mais hostile à la théâtralité, sensuel mais politiquement conscient, Kechiche clame son amour de l'humanité à chaque plan.
Toutes les critiques de La graine et le mulet
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Ellepar Florence Ben Sadoun
Kechiche a ce don de montrer, sans le dire, la générosité de ces femmes et la valeur du temps donné. Les générations se confondent, et les différences entre les Français d'origine arabe et les autres se fondent dans la scène formidable du repas de famille. La recette de ce grand réalisateur français est vraiment réussie.
- Téléramapar Pierre Murat
Paradoxe : avec Abdellatif Kechiche, cinéaste qui prend son temps (La Graine et le mulet dure deux heures trente, et encore il a coupé !), on est immédiatement au coeur de tout. Des gens. De leur quotidien. De leurs drames, petits ou grands. Et des instants d'intimité qui les rapprochent. (...) Jusqu'au bout, Kechiche ne dévie pas : il filme la tragédie d'un homme qui veut se prouver qu'il existe encore. Il filme le plus honnêtement du monde. Le plus simplement.
- Le Mondepar Jean-Luc Douin
Tout le film exalte les mille et un visages (spontanés ou hypocrites) de l'éloquence. Joutes verbales familiales, démarches pour trouver des fonds, discours du patron, de l'ouvrier, de la banquière, de l'agent municipal, baratin du mari cavaleur et hystérie de l'épouse trompée, tchatche mi-arabe mi-bretonne et ruses des serveuses pour faire patienter les clients, avalanche d'arguments d'une fille pour convaincre sa mère de rejoindre la fête : autant de signes d'une indispensable énergie vitale, que la dépense physique ne compense pas. (...) Séduction et course inutiles, au regard du désir sur lequel Kechiche a construit son film, lequel se termine par une danse macabre, un interminable martyre. Avec quel talent !
- Paris Matchpar Alain Spira
Disons, pour résumer, que nous avons enfin trouvé notre Ken Loach. La tcatche en plus... Filmeur hors pair, directeur d'acteurs de génie, ce metteur en scène est aussi un redoutable façonneur d'histoires. Son scénario est une mécanique de précision aux rouages implacables lubrifiés à l'huile... d'olive.
- Le JDDpar Jean-Pierre Lacomme
Avec son dernier film, Kechiche porte la simplicité du quotidien au sublime. Avec une telle maîtrise de la caméra et sa remarquable direction d'acteurs, Abdellatif Kechiche a déjà marqué le cinéma français.
- Fluctuat
Abdellatif Kechiche place à nouveau le langage au coeur de son travail et sidère par sa capacité à capter le souffle de la vie. Triomphe de la dernière Mostra de Venise (Prix Spécial du Jury, Prix de la Meilleure Actrice et Prix de la critique Internationale), La Graine et le mulet est un film impressionnant. Du grand art, populaire.
- Exprimez-vous sur le forum cinémaA Sète, Slimane, la soixantaine, est congédié des chantiers navals où il a oeuvré toute sa vie. Fier, il se lance dans une folle entreprise : monter un restaurant, sur une péniche à rénover, pour y servir le couscous de son ex-femme. Les problématiques de cet énoncé - chômage, inégalité face à l'emploi, conflits de l'occidentalisation (famille recomposée, couples mixtes) etc. - sont attendues mais ne constituent, heureusement, qu'un décor. En effet, Abdellatif Kechiche se concentre sur l'unique matière qui l'intéresse : la vie et ses soubresauts, avec le langage comme révélateur.Le réel pour démarrer
A la manière d'un [people rec="0"]John Cassavetes[/people], il attrape le réel sans se soucier de notre confort, proposant des scènes au réalisme - détails de la vie courante, gros plans, durée quasi-documentaire. Comme chez le réalisateur américain, les personnages principaux ne sont pas donnés immédiatement et chacun est traité sur un pied d'égalité. Dénué de préjugé, le regard du metteur en scène les appréhende avec l'incertitude propre à la vie, où les héros ne se dévoilent pas au premier coup d'oeil, mais se révèlent dans le temps. Et justement, le temps, il n'hésite pas à l'étirer d'une façon extrême et troublante pour conférer, à chaque crise, une éprouvante densité et une incroyable vérité. En jouant avec le sentiment d'une « durée réelle », il nous use, comme il use ses personnages, pour saisir leur humanité.Le langage pour avancer
Ce dispositif met en lumière, sans jamais le théoriser, le véritable carburant du récit, et donc de la vie : le langage. Explosif ou plombé d'insuffisances, il provoque des virages inattendus, fait avancer ou reculer. Au-delà d'un clivage arabe/français, c'est l'aptitude à la communication, écrite ou orale, qui segmente vraiment cette société. A l'image de ce qui constitue la vie et au risque de décontenancer, la mise en scène n'élude pas les temps morts. Cette audace, rare au cinéma, car plutôt casse-gueule, permet d'approcher au plus près la vérité des êtres et fait passer pour de l'improvisation ce qui résulte d'une écriture très précise. Avec une telle matière, tous les comédiens deviennent impressionnants de vérité, et donnent la sensation « d'être » et non de « jouer ». En particulier, la jeune Hafsia Herzi, récompensée du Prix de la Meilleure Actrice à Venise, dont le naturel crève l'écran, l'accent séduit et le débit impressionne.La fiction pour s'élever
Paradoxalement, l'extrême réalisme de cette approche formelle n'exclut en rien la fiction. Au contraire, elle y puise une formidable matière dont elle se nourrit pour gagner en épaisseur. La scène regroupant les influents notables locaux pour un test grandeur nature est bien improbable mais ne choque pas. Elle permet de respirer en sortant d'une réalité abrupte et laisse augurer d'un happy end à la "frank capra" rec="0". Le magnifique travail préalable de Kechiche et sa troupe nous y aurait fait adhérer sans problème. Pourtant, un ultime soubresaut finit par élever l'anecdote au niveau du mythe dans un final aussi étourdissant qu'ouvert qui mêle absurde, destin et tragédie, (ou encore Icare, Sisyphe et l'éternel retour), la vie et la mort... Bouleversante, cette conclusion donne toute sa saveur à ces 2h30 sans concession et risque de faire date dans l'histoire du cinéma français. Sous le coup de cet ultime rush, le spectateur, pantois, est totalement récompensé d'avoir accepté les règles d'un cinéma où rien n'est donné d'avance.Certes, Abdellatif Kechiche rend d'abord hommage à « sa famille arabo-française ». Mais en sollicitant notre participation, sans hésiter à l'éprouver, il nous rend aussi un bien bel hommage car il montre combien il a confiance en notre intelligence de spectateur. On voudrait juste lui dire merci. La Graine et le mulet
De Abdellatif Kechiche
Avec Hafsia Herzi, Habib Boufares, Faridah Benkhetache
Sortie en salles le 12 décembreIllus. © Pathé Distribution
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