Première
par Didier Roth-Bettoni
Quoi qu’il filme (stars, politiciens, justiciables...), Raymond Depardon filme la vie. Moderne, forcément, puisqu’elle est toujours inscrite dans le présent. C’est la force inlassable de son travail de documentariste que de saisir l’écho de leur existence sur le visage de ses interlocuteurs, dans leurs paroles comme dans leurs silences ou leurs gestes quotidiens. Pourtant, jamais peut-être cela n’a été plus sensible que dans Profils paysans, trilogie consacrée au monde rural dont ce film est la dernière partie. Parce que Depardon vient de ce monde-là et éprouve une forme de nostalgie coupable à l’avoir fui. Toujours est-il que les hommes et les femmes – jeunes et surtout vieux – qu’il suit avec sa malice et sa tendresse coutumières révèlent ici une réalité du monde agricole débarrassée des clichés : ils sont désespérément attachés à leur terre qui se dépeuple, luttant contre la solitude ou l’endettement, et surtout tournés vers l’avenir même si celui-ci n’est pas rose.