- Première
Le titre français vient planter le décor. En anglais, La Maison du mal s’intitule Cobweb, à traduire littéralement par « La Toile d’araignée », dénomination probablement changée à la dernière minute en raison de son accointance avec le nouveau film de Kim Jee-Woon, qui n’est pas un film d’horreur mais bel et bien une plongée dans le monde du cinéma…
Par conséquent, comment s’aventurer dans un film avec un tel titre français, qui ne promet rien d’autre qu’un nouvel objet d’horreur se déroulant encore une fois au cœur d’une maison hantée ? Cette Maison du Mal avait donc tout pour déplaire, mais ce n’est pas sans compter sur le talent fou de Samuel Bodin, petit génie frenchy de l’horreur, qui est devenue un nom important outre-Atlantique grâce au succès de sa série Marianne pour Netflix. Pour son premier long-métrage, son talent s’exporte donc vers les États-Unis avec ce film de studio qui piétine très vite les prémices de son introduction, lorgnant vers un expressionnisme saisissant grâce à ses jeux d’ombres projetés sur les murs de la chambre du jeune Peter, interprété avec grâce par Woody Norman, le gamin de Nos âmes d’enfants avec Joaquin Phoenix. Derrière cette belle idée de mise en scène, Bodin doit affronter les vicissitudes d’un scénario qui dévoile toutes ses clés de lecture au bout de 20 minutes, traitant encore une fois de cette thématique de l’enfant harcelé, de la maison comme habitacle de la terreur, ou encore d’une psychologie infantile de pacotille que tente de percer le personnage d’une maîtresse d’école désincarnée qui fait office de sidekick officieux.
Bodin connaît pourtant ses classiques, et tente en vain d’insuffler à cet objet désespéré un semblant de références, avec ses gros plans sur l’enfant médusé, comparables au Shining de Kubrick, mais aussi avec le comportement étrange des parents, qui rappelle celui des voisins âgés du Rosemary’s Baby de Polanski, ou encore avec le nom d’Holdenfield, citation astucieuse à la ville d’Haddonfield au centre du Halloween de Carpenter. Un final en guise de défouloir sanglant vient hélas gâcher la magie, et condamne le film à errer dans la nécropole des films oubliés du cinéma d’horreur étatsunien.
Yohan Haddad