Toutes les critiques de La Chine est encore loin

Les critiques de Première

  1. Première
    par Bernard Achour

    En retournant dans le village de Ghassira, où l’assassinat d’un instituteur français initia, en 1954, le mouvement qui allait aboutir à la révolution indépendantiste algérienne, Malek Bensmaïl entend remonter au tout premier mot de l’une des pages les plus troubles de notre Histoire. Mais, à force d’appliquer le conseil du Prophète, le résultat de son enquête aboutit quasiment à l’effet inverse. Cherchant à tirer un maximum d’informations des personnages qu’il croise (enfants, instituteurs, témoins de l’époque...), il ouvre des perspectives individuellement passionnantes (sur l’éducation, l’ambiguïté du rapport à la France, la mort du fameux instituteur), mais sans jamais en explorer une seule. En dépit d’une étonnante facture cinématographique, on ressort du film à peine plus éclairés qu’en y entrant.

Les critiques de la Presse

  1. Les Cahiers du cinéma
    par Joachim Lepastier

    Bien au-delà des approches attendues sur la transmission, La Chine est encore loin fait mieux que simplement interroger l'Histoire : il parvient à montrer son processus de décantation. (...) L'attentive douceur de la méthode se révèle paradoxalement d'une grande efficacité pour évoquer les situations contradictoires voire schizophréniques issues des acculturations successives d'une région qui somnole aujourd'hui dans son autarcie.

  2. Le Monde
    par Thomas Sotinel

    Malek Bensmaïl ne s'est pas contenté de prendre la salle de classe comme vivarium (si son film s'était limité à ce projet, il aurait pu s'appeler Survivre et manquer, en réponse à l'idyllique Etre et avoir de Nicolas Philibert). Lui aussi fait l'école buissonnière pour explorer Ghassira et les montagnes qui l'entourent. Dans ce paysage d'une beauté austère, le temps s'écoule au ralenti. On devine la pauvreté générale, l'abandon de la région, la somme de rêves évanouis. Ces séquences sont mises en scène avec un grand luxe de moyens cinématographiques. La multiplicité des angles, la précision des cadrages n'ont sans doute laissé que peu de place à l'improvisation. Mais ces artifices de cinéma se font sentir comme un hommage à la réalité représentée, plutôt que comme une liberté prise avec elle.

  3. A voir à lire
    par Camille Lugan

    La Chine est encore loin est, à sa manière, un film choral : plusieurs langues s’y entrechoquent, provoquant du même coup la rencontre de valeurs contradictoires et de voix différentes. Le témoignage le plus émouvant vient peut-être de la seule parole féminine de tout le film, d’une intelligence poignante. La nostalgie des premières heures glorieuses de l’indépendance et l’inquiétude de voir disparaître les traditions, jusque dans le quotidien le plus banal (lieux et artisanat compris) ne cèdent jamais aux atermoiements, et à la grande surprise du spectateur, ce sont souvent les anciens qui se révèlent les plus facétieux. A l’école de l’auteur discret (ni voix-off, ni commentaire écrit), Malek Bensmail n’en tient pas moins un discours critique efficace, qui fait surtout preuve d’un sens virtuose du rythme et du dosage, et maintient tout le long la même exigence esthétique. Une ligne directrice : filmer les paysages aussi bien que les hommes avec le même respect, laisser l’image respirer quand cela est nécessaire. Par là même, le documentaire trouve rapidement son équilibre et réussit le pari pourtant périlleux de maintenir le cap plus de deux heures durant.

  4. Chronic'art
    par Nicolas Truffinet

    Ce serait oublier que le terreau du film est algérien, qu'il s'agit de comprendre comment le pays vit avec ces évènements, non de s'interroger sur les fautes de l'Etat français. Et que si le contenu des manuels scolaires est encore trop souvent lénifiant et partiel ici, l'historiographie de la révolution là-bas reste en général plus hagiographique que véritablement critique. A ce titre la vision apaisée du film s'avère infiniment séduisante : une société où le passé passe, où la mémoire se veut transmission discrète plutôt que carcan. Mine de rien, Malek Bensmail vient peut-être de réaliser le film le plus optimiste du moment.

  5. Nouvel Obs
    par Nathalie Funès

    On croise un moudjahid de 86 ans qui a tiré sur l’instituteur français, ses anciens élèves qui racontent leurs pleurs en apprenant sa mort, les enfants d’une classe de sixième primaire (équivalent du CM2) qui ne savent rien du conflit d’indépendance et une femme de ménage qui dit n’avoir "jamais connu un seul jour de joie". Le réalisateur a dû couper d’autres "personnages" au montage. On le regrette presque.

  6. 20 Minutes
    par Caroline Vié

    Il est difficile d'imaginer que derrière le titre La Chine est encore loin se cache un documentaire sur l'Algérie. Le réalisateur Malek Bensmail a fait sienne la maxime du prophète invitant le croyant à « rechercher le savoir jusqu'en Chine s'il le faut » pour livrer une analyse touffue du processus qui conduisit le pays à l'indépendance.
    L'auteur a installé sa caméra dans une école des Aurès, berceau de la révolte des années 1950. Son film explique com­ment un passé douloureux peut avoir généré un présent difficile. Et il n'est même pas besoin d'aller en Chine pour mieux comprendre cela : une salle de cinéma suffira.

  7. Le Parisien
    par Hubert Lizé

    Superbement filmés, les enfants du film traduisent dans leurs propos toutes les incertitudes et le manque de perspectives de la jeunesse algérienne, dans une région rurale toujours considérée comme frondeuse par le pouvoir en place. Un documentaire sensible, plein de vie, et bien plus édifiant que son titre énigmatique, qui fait référence à un proverbe du prophète Mohamed.

  8. Télérama
    par Blottière Mathilde

    En prenant comme métaphore de la société le microcosme de l'école, le cinéaste brosse un portrait sombre d'un pays encore prisonnier de son passé. Les scènes de classe lui permettent notamment de dénoncer l'apprentissage autoritaire de l'arabe classique, en réaction à la « langue de l'ennemi », le français, mais aussi aux dialectes parlés au quotidien. De même, il montre la montée en puissance de l'islam, enseigné comme une référence absolue de la culture algérienne, et la transmission dogmatique de l'histoire de l'indépendance.

    Autant de sujets que ce documentaire aborde dans toute leur complexité mais avec la force du cinéma : dans le bref tête-à-tête entre Lakdar, le trublion de la classe, et le cheikh de l'école coranique, passe tout l'autoritarisme d'un système fondé sur la peur. La Chine est encore loin nous laisse avec des sentiments mêlés. D'un côté, l'impression d'un gâchis immense ; de l'autre, l'espoir du changement porté par une remuante jeunesse.