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Faire bouger les lignes, réaliser des greffes, c’est depuis toujours le principe directeur de la filmographie de Michel Gondry. Il a d’abord été un musicien qui tourne des clips. Puis
un clippeur qui fait des films. Puis un cinéaste français exilé en Amérique. Puis un auteur de fictions qui signe des documentaires. Etc., etc. Dans cette optique, le défi d’adapter L’Écume des jours faisait figure à la fois de suite logique et de retour au bercail. Comme si, en dialoguant avec Boris Vian (autre inventeur de formes surdoué trop souvent réduit à une image de bricoleur sympa), en s’emparant d’un monument du patrimoine littéraire, en travaillant avec des stars (Duris, Tautou, Elmaleh, Sy), Gondry finissait enfin par accepter sa nature de fils prodige du cinéma français. La Gondry’s touch est-elle soluble dans le mainstream ? La modernité de 2013 a-t-elle quelque chose à dire à celle de 1947 ? Les questions soulevées par le projet débouchent sur un objet composite passionnant. Il n’y a qu’à voir la façon dont est filmé Paris, à la fois ancré dans une imagerie 50s surannée et irrigué par une noirceur très contemporaine, pour comprendre le délicat exercice de réappropriation qui se joue ici. Sans rien retrancher à Vian (le « pianocktail » et Jean-Sol Partre sont bien là), Gondry impose son imaginaire au matériau d’origine. Pas au forceps, pas pour faire son intéressant ni pour tordre la commande, mais bien pour redonner une pertinence poétique et une urgence émotionnelle à une histoire qui, à force d’avoir été adorée par tout le monde, prenait le risque de ne plus toucher personne. L’opération était délicate. La greffe est très réussie.
Toutes les critiques de L'écume des jours
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Gondry est un artisan du cinéma, un Georges Méliès du XXIe siècle qui crée de toutes pièces un film poétique. Il excelle dans cette science du rêve pour nous régaler jusqu'à nous émouvoir avec le célèbre pianococktail de Vian, lorsqu'il donne vie à la danse du biglemoi et hisse ses deux héros dans un nuage pour une balade vertigineuse et magique au-dessus de Paris. On reconnaît que l'enthousiasme se délite un peu dans la deuxième partie - la maladie de Chloé -, mais on ne peut que se laisser prendre par cette imagination
débordante et ce casting de choc que complètent Gad Elmaleh (excellent), Omar Sy, Aïssa Maïga et Charlotte Le Bon. -
Avec ses acteurs, Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaley, Alain Chabat, et ses mille idées à la minute, le réalisateur ressuscite Boris Vian. Son film est un inoubliable moment de cinéma entre Georges Méliès et Jean-Christophe Averty, entre les cocottes en papier de l’école primaire et le digital de 2013. Michel Gondry a réalisé, d’après ce chef-d’oeuvre de la littérature française, son chef-d’oeuvre.
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Bien secoué, le cocktail cinématographique onirico-poético-foldingue est délicieusement frappé. Quel voyage extraordinaire il nous offre ! (...) A regarder plusieurs fois si l'on veut tout voir sans modération.
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La force du film, schizophrène, mal aimable et fascinant, est alors sans doute de se tenir encore plus près de Vian qu'on aurait pu l'imaginer.
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Visuellement splendide, imaginatif et fidèle à l’esprit de Boris Vian, l’Ecume des jours est aussi un trop plein où l’émotion parvient difficilement à circuler et où Gondry use et abuse de ses manies.
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D’une inventivité foisonnante jusqu’au trop-plein, le nouveau film de Michel Gondry, fidèle à l’œuvre de Boris Vian, passe avec brio de la lumière à la noirceur.
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Seul hic ? A trop miser sur les ingéniosités visuelles, cette transposition oublie parfois l’émotion.
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L'adaptation par Michel Gondry du roman de Boris Vian est bourrée de trouvailles, mais souffre d'un déficit d'émotion.
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Visuellement, le pari, audacieux, est réussi et on ne voit pas qui aurait fait mieux. Mais il y avait peut-être un peu mieux à faire.
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Un film d’une richesse visuelle à couper le souffle.
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Qui mieux que le fourmillant Michel Gondry pouvait donner vie à tout ce bric-à-brac d’idées ? L’artisan génial met donc tout son talent visuel au service de ce monde imaginaire avec, forcément, quelques déceptions par rapport à l’attente que pouvait représenter l’adaptation d’un tel roman, et un foisonnement d’idées parfois étouffant. Mais il nous offre au final un film aussi bouillonnant que bouleversant.
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Si certaines idées visuelles du film appliquent le texte de Boris Vian à la lettre, comme par exemple l'ordonnance que l'on exécute ou le « pianocktail », d'autres éléments du film, en revanche, prennent plus de liberté avec le livre. Cette adaptation n'en demeure pas moins réjouissante, grâce aussi à un quatuor de stars (Duris, Tautou, Elmaleh, Sy) qui n’essaient pas de tirer la couverture à eux mais semblent prendre autant de plaisir que le spectateur à fouler l’univers surréaliste de Vian revu par Gondry.
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par La rédaction de Public
Gondry n'a eu aucun mal à se glisser dans l'excentricité du roman. Comme dans ce dernier, l'inventivité et l'étrangeté sont omniprésentes. Loin de copier le chef-d'oeuvre, le réalisateur se le réapproprie et le sublime.
Une angoisse filtre, une impuissance face au temps qui se dérègle, face aux êtres aimés, de plus en plus lointains. L'addiction de Chick, la maladie de Chloé, tout cela transparaît et transpire à l'écran, à travers la décomposition, le pourrissement des choses. <em>L'écume des jours</em> est un film organique, biologique, de lymphes, d'humus et de bile noire. Où il est difficile de distinguer le règne végétal, animal minéral.
Une adaptation de bric et de broc pleine d’inventivité mais vide d’audace, perdue dans la froide pantomime d’un amour presque sans émotion.
Espérait-on trop de cette adaptation? Toujours est-il que Gondry laisse pendant deux heures les effets spéciaux et ses incroyables bricolages prendre le pouvoir sur la dramaturgie et les émotions. Trop fasciné par ses propres trouvailles ? Peut-être. En dépit de tous ces paradoxes, L'Écume des jours reste un film qui flotte au-dessus de la mêlée. À voir pour la magie du début.
"L'écume des jours" est fascinant (souvent), irritant (parfois), malade (toujours). Un accident industriel pour autant? Non, à en juger l'ambition démesurée - qu'il convient de saluer -, la description de Paris fluctuant sans que l'on s'en rende compte du rêve au cauchemar éveillé - seuls Polanski dans les années 70 et Gondry ont su montrer ça -, les qualités de fabrication, l'enthousiasme et l'inconscience inouïs de Gondry, la manière dont Colin/Duris regarde Chloé/Tautou s'éloigner ou encore la manière dont les amis se détachent du couple ou a contrario l'aident au moment où tout s'écroule, la tristesse morbide et la bile noire contaminant toute la dernière partie... Suffisamment d'éclats de cinéma pour compenser le manque d'unité.
Si Boris Vian réinventait la forme pour servir le fond, Michel Gondry ne parvient lui ni à innover dans la forme, ni à retranscrire cette émotion brutale qui nous avait frappé en lisant l'oeuvre de l’écrivain.
Michel Gondry se risque à adapter l’univers si particulier de Boris Vian. Il installe à l’écran une fantaisie de chaque instant avec des images d’une foisonnante inventivité. Mais, malgré Romain Duris, Audrey Tautou, Gad Elmaleh et Omar Sy notamment, cet arsenal visuel opère un peu contre l’émotion attendue.
Placé sous le signe du pléonasme (un savant fou de l'image adapte un savant fou des lettres) et de la commande (un casting digne des Seigneurs), l'Ecume des jours, sans créer de miracle, parvient à étonner par sa noirceur et une forme de radicalité sous-jacente.
L’univers perpétuellement fantasque du livre peut donner le vertige, notamment dans la première partie. La seconde, plus calme, plus tragique, dans un superbe noir et blanc, est d’une infinie beauté. Les acteurs forment chacun une facette de ce rêve éveillé.
Du roman mythique de Boris Vian publié en 1947, Michel Gondry a tiré un film qui est d'abord un tsunami d'images, un tourbillon de clips de pub qui séduisent et enchantent puis finissent par noyer le spectateur.
L’Ecume de jours’ satisfera, sans doute, les lecteurs de Vian d'un côté, les fans de Gondry de l'autre, et parviendra peut-être même à toucher les indifférents aux deux. Même si, à bien y regarder, ‘L’Ecume des jours’ n’est sans doute pas le roman le plus excitant de Vian. Ce qui est une autre question.
Avec le plus célèbre et célébrer des livres de Boris Vian, qui défie les codes romanesques, le talent poétique et visionnaire de Michel Gondry tombe sur un os. L'adaptation fidèle étant impensable, il a choisi la surenchère des effets et des images (souvent superbes). L'ensemble est haché, vaporeux et laisse étourdi. Comme une série de rêves s'enchaînant sans entracte.
Il y a un blindage absurde du moindre recoin du film par des têtes d'affiche que plus grand monde n'a spécialement envie de voir en peinture.
L'Ecume des jours, le film, lit le roman de Vian avec un enthousiasme qui n'est pas toujours communicatif. Michel Gondry s'empare des inventions langagières pour en faire des inventions graphiques et cinétiques. On dirait que le film épuise toute son énergie à la construction d'un monde qui ne fait plus beaucoup de place à ses habitants. Colin et Chloé, Chick et Nicolas sont des pièces de la machine que le cinéaste a mise en marche, au même titre que le pianocktail ou les voitures mutantes.
Chaque plan regorge de trouvailles, au point que l'on se surprend à y porter plus d'attention qu'à lhistoire et à ses interprètes au talent sûr. Et même si Gondry peine un peu à transmettre l'émotion chavirante de L’Écume des jours, il signe assurément une variation brillante du roman jazz de Boris Vian.
Le film foisonne de trouvailles poétiques, drôles ou mélancoliques, d'objets surprenants. Mais ce bric-à-brac l'empêche d'avancer. Ce qu'il gagne en invention visuelle, il le perd en mouvement et en rythme. Il lui manque la dynamique intime, porteuse des élans du cœur. Même les personnages deviennent des effets spéciaux. Tout sollicite la curiosité, mais non l'émotion.
Brillamment, certes, mais certainement trop tard. Si L'écume des jours est sûrement un film à voir, il restera aussi un chef-d'oeuvre inadaptable. Même par Michel Gondry. C'est dire...
Saturée d’effets visuels en surface, jamais émouvante sur le fond, l’adaptation ratée du classique de Boris Vian.
Sur le papier, la rencontre entre le cinéaste-bricoleur Michel Gondry et l’univers du célèbre roman de Boris Vian, truffé d’inventions visuelles, avait de quoi susciter une certaine curiosité. Le résultat s’avère problématique et boursouflé, pas tant sur le plan strict de l’adaptation, que d’un effet de surchauffe permanent insufflé par la volonté d’être à la hauteur de la poésie surréaliste et onirique du roman.
Retenant certes du livre ses réflexions sociales (...), le film trahit littéralement sa démarche tragique : embourbé dans une poésie forcée, un mauvais goût assumé et des effets de style trop ostentatoires pour être honnêtes, "L'Ecume des Jours" n'affiche strictement aucune affection vis-à-vis de ses personnages.
Il faut se rendre à l'évidence, dans la version Gondry du livre que nous avons tant aimé ne demeure que l'écume...