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William Friedkin a 77 ans, une flopée de chefs-d’oeuvre au compteur (French Connection, L’Exorciste, Police fédérale Los Angeles...) et une réputation de tyran des plateaux à faire pâlir David O. Russell. C’est une légende vivante, le seul représentant du Nouvel Hollywood – avec Coppola – à n’avoir jamais courbé l’échine devant la toute-puissance des studios, ce qui lui a valu d’être marginalisé au cours des années 1990 et 2000, période de disette qu’il a mise à profit pour devenir metteur en scène d’opéra. Sa renaissance cinématographique a eu lieu en 2007 avec Bug, objet inclassable, entre huis clos mental, dispositif expérimental et film d’épouvante, qui a révélé le jeu intensément fracassant de Michael Shannon. À cette occasion, Friedkin a surtout rencontré Tracy Letts, dramaturge accompli qui adaptait là pour la première fois sur grand écran l’une de ses pièces. Les deux compères récidivent aujourd’hui avec Killer Joe qui, plus encore que Bug, établit définitivement une parenté entre le travail de Letts et celui de Tennessee Williams. Les deux auteurs partagent la même tendresse pour les exclus et les personnes émotionnellement fragiles qu’ils plongent, non sans un certain sadisme, dans des situations impossibles afin d’observer leurs réactions, tels des entomologistes. Avec la famille Smith, on est servi : le fils, Chris, est un petit dealer irresponsable ; son père, Ansel, un minable sans coeur ; sa belle-mère, Sharla, une cougar vulgaire ; Dottie, un ange ambigu. Cette dernière apparaît comme une sorte d’épigone de Blanche DuBois, la névrosée ultime décrite par Williams dans Un tramway nommé Désir. Comme elle, Dottie est une fausse victime qui, obéissant à ses pulsions et/ou à ses fantasmes, déclenche autour d’elle l’apocalypse, incarnée ici jusqu’à la fascination et l’écoeurement par Killer Joe – l’un des personnages les plus mythologiques de la décennie. On entend déjà les moralistes de tout poil crier au scandale devant ce film outrancier, parfois très cru, qui renvoie dos à dos tous ses personnages sans leur chercher véritablement d’excuses, mais sans les condamner non plus. La dernière séquence, déchaînement de violence inouïe (qui, comme toujours chez Friedkin, relève de la pure catharsis), est sans doute ce qu’on a vu de plus impressionnant et de plus dérangeant depuis un bon bout de temps. À tout bien considérer, depuis Bug.
Toutes les critiques de Killer Joe
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Un thriller tendu, moite, dérangeant, voire totalement fêlé, qui nous régale de sa galerie d’Américains moyens bas du front et de son McConaughey sublime en tueur à gages allumé.
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Killer Joe resplendit tel un joyau d’humour noir. Autant dire que cette tuerie fait l’effet d’une grande claque en pleine gueule. Déjà le film de l’année !
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Le cinéma américain dans ce qu'il a de meilleur, c'est-à-dire parcouru par une énergie vitale et un élan électrisant.
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Un jeu de massacre dirigé de main de maître.
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Un thriller saturé d'humour noir, tordu, violent et parafaitement amoral, avec Matthex McConaughey en ange de la mort dégénéré.
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Quand le polar redneck rencontre la tragédie grecque, cela déménage même si l’on peut regretter que certains personnages ne soient pas bien exploités. Mais comme il y a Gina Gershon …
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[Matthew McConaughey, incarne un] assassin sadique aux manières de reptile (ce qui est en passe de rester comme le rôle de sa vie), dans l'adaptation de la pièce de Tracy Letts, qui n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Sa galerie de personnages, plus ignobles ou pathétiques les uns que les autres, n’offre aucune faille ni échappatoire. [Un film] à l’humour cynique [qui] serait ainsi platement caricatural si William Friedkin n’avait pas poussé son film au paroxysme d’une férocité qui rappelle, par moments, le lyrisme nihiliste et sauvage d’un Harry Crews. Assumant le risque de théâtraliser parfois à outrance les scènes les plus crues, Friedkin n’épargne rien, ne se refuse rien. (...) à la fois fascinant et parfaitement repoussant.
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Cette comédie noire,(...) joue avec les limites de voyeur du spectateur (...) en se confrontant un par un au maux (...) qui hérisse le poils de nos sociétés. De l'art (indélicat) de la perversité (...) Fredkin à son meilleur !
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Polar déjanté, burlesque, extrêmement violent : le retour en force d'un réalisateur, jadis connu pour exacerber les scènes d'hystérie (L'Exorciste).
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Killer Joe pousse les limites du politiquement incorrect avec un scénario retors et une galerie de personnages tous plus vicelard les uns que les autres, incarnés par des acteurs formidables qui n'ont pas peur de se salir les mains.
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Friedkin, qui tire avec délectation les ficelles de cette série noire de poche naviguant entre huis clos grand guignolesque et série B poisseuse. On est, certes, très loin des meilleurs joyaux du virtuose le plus teigneux du nouvel Hollywood (vraiment bancal, le film se vautre une fois sur deux dans la facilité), mais quelques éclairs d’horreur dont seul le cinéaste a le secret permet au film de retomber in extremis sur ses pieds. Et d’assurer à son auteur une fin de carrière honorable et plutôt réjouissante.
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Friedkin fait ressortir le meilleur de tout le monde, à commencer par son film, d'une sauvagerie magnifique.
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Un thriller crépusculaire intitulé (...) une pépite.(...) un film noir, cynique, dérangeant, qui dénonce les plus bas instincts de l’homme.
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L'exercice de "Killer Joe", qui peut être vu comme une tentative d'intégrer la force organique du cinéma de Friedkin dans un théâtre de poche (ce à quoi parvenaient "L'Exorciste" ou "Bug"), finit par virer trop ouvertement à la farce.
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Friedkin fait ressortir le meilleur de tout le monde, à commencer par son film, d'une sauvagerie magnifique.
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Matthew McConaughey trouve ici le rôle de sa vie. (...) Un plaisir mêlé d'effroi, qui tire sa légitimité d'un pari aussi problématique qu'admirable.
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"Killer Joe", c'est "Cendrillon" revisité par un affreux jojo qui transforme le conte de fées en cauchemar. (...) Matthew McConaughey est ici terrifiant à souhait, charmeur comme un serpent venimeux.
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Imaginez une délicate poupée de porcelaine. C'est la sensation que l'on a en découvrant le visage angélique de Juno Temple dans ce sanguinolent guignol signé Friedkin.
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Un thriller en forme de comédie, très noire et cynique, avec des personnages plus sordides les uns que les autres. Du William Friedkin pur jus ! À 77 ans, le réalisateur de "French Connection" et de "L'Exorciste" est toujours aussi efficace quand il s'agit de montrer les vices et la noirceur humaine. Avec lui, la famille américaine en prend pour son grade. Dommage que le film se termine en grosse farce macabre.
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Comme "Bug", "Killer Joe" est adapté d'une pièce de Tracy Letts, mais avec une réussite moindre. Dès le pitch, on sent une tragédie white trash tellement outrée qu'elle frise la farce.