-
La rencontre entre Ella, serveuse dans le bar de son père, et Abel, un nouvel employé, transpire la fièvre. Dans le premier quart d’heure de son premier film, Marie Monge capte parfaitement l’urgence du désir, son impérieuse nécessité en dépit de toute objectivité : Abel est un voyou, magnifique certes, mais un voyou qui détrousse la caisse d’Ella avant de l’ensorceler. Trompée mais séduite (à moins que ce ne soit l’inverse), Ella est l’incarnation d’une vie rangée qui réclame de la nouveauté et de l’imprévu. Avec Abel, elle va être servie : accroc au jeu, il va l’entraîner dans des cercles plus ou moins clandestins où leur amour va se consumer sous l’effet de cette addiction ruineuse plus forte que tout. Pas exempt de défauts (une narration par trop elliptique qui creuse une distance entre les personnages au lieu de la resserrer ; des seconds rôles, à l’exception du pote joué par Karim Leklou, inexistants), Joueurs séduit par sa capacité à mélanger les genres et à privilégier le rythme et la musicalité des scènes et des plans. Pour ces raisons, on a beaucoup évoqué à Cannes -le film concourait à la Quinzaine des Réalisateurs- une parenté écrasante avec Scorsese. On pense plutôt à Jacques Audiard, à son goût pour les personnages de marginaux et les rencontres fortuites fatales -coucou Sur mes lèvres. Marie Monge se cherche, tâtonne, expérimente. C’est en soi suffisant pour la distinguer du tout-venant des réalisateurs se reposant sur leurs acquis.