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Le premier film n'était qu'un échauffement.
Quand on y réfléchit, le vrai coup de génie de John Wick premier du nom, n’était ni le meurtre atroce de ce petit chien trop mignon, ni l’invraisemblable résurrection de Keanu Reeves en machine à tuer, ni même l’hilarant cabotinage du méchant Michael Nyqvist. Tous ces éléments étaient supers, certes, mais l’atout ultime du film, sa véritable botte secrète, c’était l’Hôtel Continental. Un antre mystérieux sis en plein cœur de New York, rempli de tueurs à gages surarmés et de mafieux suaves, un underworld avec ses corridors intrigants et ses règles occultes (les pièces d’or avec lesquelles on se paye une chambre et résout les conflits), qui posait les bases d’un univers de comic book ultra-séduisant, tout en affirmant qu’on était aussi (surtout) là pour rigoler. C’était une promesse mythologique géniale, un pur réservoir à fantasmes.
Plaisir pavlovien
Et c’est bien grâce à lui, le Continental, que John Wick 2 parvient à éviter le syndrome de la suite piteuse façon photocopie délavée (coucou Taken 2) pour mieux pousser tous les compteurs dans le rouge, prendre superbement en compte les attentes des fans et voir les choses en grand. Derrière le plaisir pavlovien des retrouvailles, il y a bien un monde à explorer. John Wick 2 est donc cette déambulation XXL dans les arcanes globalisés de cet infra-monde criminel, plus fun, plus brutale, plus teigneuse, plus "pensée" que le premier volet, avec encore plus de Ian McShane dedans et de seconds rôles qui tuent (Franco Nero ! Riccardo Scarmacio ! Laurence Fishburne !), encore plus de gentils chiens-chiens et de méchants russes, et au moins deux moments anthologiques qui atomisent d’emblée toutes (TOUTES) les meilleures scènes du premier film. Une suite digne de ce nom, quoi. John Wick 2 se devait de "délivrer", comme on dit dans la langue de Harry Callahan. John Wick 2 délivre. A mort.Orgie de gun-fu
Dès le premier quart d’heure (où l’on apprend enfin ce qu’est devenue la voiture de notre héros), le body count grimpe à des hauteurs vertigineuses. Il faudra un jour établir des statistiques précises mais disons qu’à vue de nez, Keanu Reeves abat ici deux fois plus d’adversaires que dans le précédent volet tout en prononçant deux fois moins de répliques. Manifestement enivré par le destin culte du premier film, le réalisateur Chad Stahelskiradicalise son propos et organise son orgie de gun-fu (c’est comme ça qu’on dit) autour de quatre grandes séquences jouissives et démentielles, qui culminent lors d’un climax en forme d’hommage à Opération Dragon. La mise en scène des combats est encore plus précise, inventive et dynamique qu’il y a trois ans, l’évidente love-story artistique entre Stahelski et Reeves (les deux hommes bossent ensemble depuis Matrix, où Chad était la doublure cascades de Keanu) s’exprimant de façon éclatante lors d’une longue traversée meurtrière des catacombes de Rome, entièrement pensée et millimétrée en fonction de la gestuelle de la star, mi-Bronson, mi-Bruce Lee, ici dans une forme olympique.Plaisir monstre
D’une certaine manière, le pied qu’on prend devant John Wick 1 et 2 trahit notre immense sentiment de manque, la grosse fringale du spectateur contemporain pour ce genre d’actionner ravivant le délicieux fumet des nineties. Parce que dans les années 90, des films comme John Wick 2, on en mangeait au petit-déjeuner… Aujourd’hui, à l’heure où le genre "action" inonde les écrans mais où l’art même du cinéma d’action semble un secret perdu, à de trop rares exceptions près (l’attaque de l’autoroute dans Captain America : le soldat de l’hiver, une scène de guérilla urbaine anthologique dans l’imminent Traque à Boston, l’intégralité de Mad Max : Fury Road), on accueille le maverick déchaîné Chad Stahelski comme le messie. Lui-même l’a compris et embrasse son destin avec une joie féroce, envisageant chacun de ses plans-séquences comme une déclaration d’intention, chacune de ses chorégraphies comme un manifeste. En plus de procurer un plaisir monstre, son film, bétonné par un savoir-faire redoutable et innervé par l’humour et l’humanité de Keanu Reeves (qui trouve ici le troisième rôle de sa vie, après le Johnny Utah de Point Break et le Neo de Matrix – respect) remet les pendules à l’heure en soulignant l’inanité des franchises lyophilisées et des blockbusters super-héroïques sans âme. Triomphal, héroïque, John Wick 2 impose un nouveau standard. On attend maintenant que la concurrence montre ce qu’elle a dans le ventre.John Wick 2, de Chad Stahelski, avec Keanu Reeves, Riccardo Scarmacio, Ian McShane... En salles le 22 février.