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Avec le cinéma du Philippin Lav Diaz, nulle autre option que de se laisser embarquer. Halte dure 4 h 39. C’est forcément un voyage. Celles et ceux qui le feront n’oublieront pas la traversée. Nous sommes en 2034, des éruptions volcaniques à répétition empêchent le soleil de se coucher et de se lever sur l’Asie du Sud-Est. Cette longue nuit n’est pas tendre avec une population philippine qui vit sous le joug d’un dictateur totalement timbré. L’homme entend ainsi fêter l’anniversaire du bombardement de Nagasaki en déclenchant son opération Black Rain, censée détruire tous les foyers de rébellion. En attendant, il danse, boit et pérore, protégé par une garde rapprochée exclusivement féminine et des drones intrusifs. « Maintenant que le monde est un robot, on ne fait plus la différence entre vérité et mensonge ! », « Où peut-on être sinon dans les bras de notre malheureux pays ? » entend-on ici ou là dans la bouche d’hommes et de femmes qui refusent pourtant de baisser les bras et veulent se réapproprier un réel que d’aucuns voudraient effacer. Ce monde n’est pas vraiment de la science-fiction, et les récentes montées de nationalisme donnent à cette sombre fresque des allures de miroir à peine déformant. La mise en scène de Lav Diaz, portée par un noir et blanc envoûtant et des cadres fixes d’une précision ahurissante, crée par contraste un climat apaisé presque léthargique. Aux assauts brutaux d’un univers infernal, Diaz répond avec une douceur qui finit par contaminer même les plus incontrôlables. Une splendeur !