-
En début d’année dernière, ressortait pour ses quarante ans, Neige de Juliet Berto, plongée sauvage dans le Paris interlope du quartier de Barbès-Rochechouart : ses bars louches, ses trottoirs encombrés, ses néons fatigués et ses arrière- cours, coulisses d’un petit théâtre à ciel ouvert. Ce Goutte d’or lui ressemble un peu, notamment dans cette façon qu’a Clément Cogitore (Ni le ciel, ni la terre) d’extraire du lieu choisi, toute l’énergie qu’il contient. Ramsès est un voyant- charlatan qui reçoit dans son cabinet une population bigarrée désireuse d’un peu de réconfort. Son commerce où la vérité est constamment habillée de lambeaux du mensonge, oblige un numéro constant d’équilibriste donc à un mouvement permanent. C’est là où la mise en scène de Cogitore impressionne, dans sa grande mobilité au sein d’un espace pourtant exigüe dont Ramsès parvient à ne pas rester prisonnier. C’est un rapport de force qui s’engage entre : dehors et dedans, jour et nuit, dissimulation et dévoilement... Au centre du cadre, un corps donc (Karim Leklou tellurique), agile comme un chat de gouttière. Puis la menace s’élargit, ce n’est plus une profession de bonimenteurs qui réclament son dû (la part « documentaire » est saisissante) mais des gamins des rue livrés à eux-mêmes. L’action se polarise bientôt sur un chantier au sein duquel se trouve un autre corps, sans vie celui-ci. Le solide Ramsès se retrouve soudain face à ses propres peurs. A l’air libre, à découvert, il ne s’est jamais senti aussi fragile. Un film impressionnant de bout en bout.