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Il fallait quand même envisager la possibilité que Godzilla x Kong: Le Nouvel Empire soit un véritable punching-ball critique : après tout, ne parle-t-on pas d’un film se déroulant dans une délirante Terre creuse où King Kong cherche des copains singes géants tandis que Godzilla rôde sur la surface de notre planète pour la sauver d’autres Titans comme lui ? Un postulat absurde, mais qui ne joue pas du tout contre le film, en fin de compte. En fait, sa réussite est essentiellement due au sérieux avec lequel il envisage son absurdité, son impossibilité : c’est en cherchant à donner le plus de vie possible à ses personnages numériques que Le Nouvel empire acquiert une espèce d’étrange réalité -qui contraste avec les scènes, heureusement beaucoup plus réduites, avec de vrais êtres humains, réduits à de fragiles témoins ou passeurs d’informations (et filmés avec un étrange effet qui rend flou l'arrière plan et les bords du cadre). Les stars, ici, ce sont les monstres.
Et ils sont plus vivants que jamais. Sans prétendre à vouloir être un grand geste esthétique ou théorique, Le Nouvel empire dessine de beaux faux monstres, habités d’une vie de cinéma inespérée, à l’ère où le blockbuster hollywoodien est encore plongé dans le coma. Le Nouvel empire embrasse le numérique à bras ouverts, et utilise les codes visuels et narratifs du jeu vidéo à bel escient : par exemple ce beau combat entre deux singes évidemment colossaux dans une cave volcanique, qui évoque les show-offs des versions récentes de Street Fighter ou Tekken. Ce dialogue entre jeu vidéo et cinéma n’est pas envisagé comme une citation méta gonflante, mais comme un dialogue tout à fait naturel entre deux formes d’expression artistiques -ça a l’air relou, comme ça, mais ça donne au Nouvel empire un feeling tout à fait naturel de blockbuster de son temps, qui contraste avec les derniers MCU complètement épuisés (cf. les effets numériques chez Marvel, dépouillés de toute espèce de vie).
L’autre contraste, évidemment plus radical, joue avec le film japonais Godzilla Minus One , sorti en décembre dernier : le prequel de Godzilla était un blockbuster rétro, mélo et terrassant qui avait l'air de se passer sur une planète totalement étrangère à celle du Nouvel empire -qui reste un vrai divertissement, spectaculaire et rigolo, le meilleur peut-être depuis les Transformers de Michael Bay. Et oui, c’est une bonne surprise.