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Mai 1940, plage de Dunkerque : près de 400 000 soldats, anglais pour la plupart, se retrouvent acculés sur l’immense plage de Dunkerque. Face à eux, le détroit du Pas-de-Calais et la mer ; derrière eux l’armée du Reich surpuissante. Une seule idée : fuir. Voilà pour le postulat de départ du nouveau Christopher Nolan. Simple, presque simpliste mais c’est justement ce qui en fait sa force. Pour filmer la guerre à hauteur d’hommes, le réalisateur de The Dark Knight – Le Chevalier noir a choisi l’épure. L’ennemi est omniprésent mais on ne le verra (quasi) jamais. Les dialogues sont réduits au strict minimum - les regards des soldats apeurés suffisent- le sang ne jaillira presque pas. Tout le long du film la mort rôdera, mais paradoxalement, on la verra peu. Qu’on ne s’y trompe pas, Dunkerque n’est pas un film de guerre au sens strict ou une énième évocation des actions héroïques de la Seconde guerre mondiale magnifiée par des ralentis sur des corps déchiquetés. Non, Dunkerque est un survival qui nous prend aux tripes pendant une heure quarante-sept, sans nous lâcher.
Encore une fois, la force de Nolan est dans le dialogue entre ses cadres et sa bande son (signée du fidèle Zimmer, elle est époustouflante, à base de tic-tac et de bruits de tôles froissées), qui nous immerge au cœur de l’angoisse avec une seule idée en tête, encore une fois : la survie. Survivre sur la terre, sur la mer, dans les airs. Pendant une heure, un jour, une semaine. Au détour d’une magnifique scène avec Cillian Murphy, on comprend le réalisateur a encore une fois éclaté sa chronologie et l’espace aussi pour nous plonger dans la confusion la plus totale, comme sans doute les soldats, des gamins pour la plupart, sur la plage de Dunkerque en ce mois de mai 1940.
On ne va pas épiloguer sur la maîtrise du réalisateur pour les scènes d’action et à ce titre Dunkerque n’en est pas avare : rien que les combats aérien avec Tom Hardy valent à eux seules le ticket de cinéma. En revanche, force est de constater que Nolan se place désormais parmi les grands directeurs d’acteurs. Oubliez la mort de Marion Cotillard dans The Dark Knight Rises qui a fait tant jaser en son temps. Dans Dunkerque, ce sont les comédiens (pour la plus part novices) qui tiennent le film du bout en bout. Car avouons-le, dans Dunkerque il n’y a pas vraiment de moment de bravoure au sens hollywodien, mais juste des instants de (sur)vie, de lâcheté ou d’angoisse qui passent magnifiquement par le jeu des regards, la justesse des gestes esquissés ou les rares dialogues échangés.
Et même s’il aurait été facile de se gausser du jeu d'Harry "One Direction" Styles, précisons pour les fans et les autres qu’il ne jure en rien dans la distribution juvénile qui compose majoritairement le cast (Jack Lowden, Tom Glynn-Carney, Fionn Whitehead…). D’ailleurs, c’est ce qui frappe, une fois que l’on sort du film sonné, lessivé par l’heure et demie de tension (imaginez la scène de l’autoroute de Sicario sur 1 h 47 et vous en aurez une petite idée) : la jeunesse des protagonistes qui ont essayé tant bien que mal de s’extirper de l’enfer. Et parfois même, au détour d’un plan de soldat seul sur la plage, la mer au loin on pense à Jean-Pierre Léaud et à la fin des Quatre cent coups. La poésie au cœur de chaos, c’est à des petits détails comme ça que l’on reconnaît aussi les grands films.