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La force du nouveau film de Mati Diop (Atlantique...), Ours d’or de la dernière Berlinale, tient à son sujet autour de la restitution par la France d’une poignée d’œuvres d’art béninois et au langage employé pour faire jaillir la réflexion suscitée par un tel évènement. Si les statues meurent aussi - pour reprendre le beau titre du film de Resnais et Marker (1953) - c’est bien qu’elles sont avant tout vivantes. Leurs âmes sont ici personnifiées par la voix spectrale et magique du lot 26, une imposante statue du roi Ghézo, neuvième roi du royaume du Dahomey (Bénin) dont la cinéaste filme le voyage depuis le musée du Quai Branly parisien jusqu’au Palais présidentiel de Cotonou. Cette voix hante les profondeurs d’un film qui charrie avec lui les fracas et les blessures de la colonisation de l’Afrique. « Tout est si étrange... Si loin du pays que je voyais en rêve... », s’interroge en langue fongbé ce mastodonte de bois et de métal. Le retour aux sources que les officiels se targuent d’être « historique » devient dès lors une épopée intime et philosophique. Cette notion du revenant préoccupe Mati Diop qui, de film en film, dessine une circulation constante entre les territoires. Le langage du présent long-métrage s’incarne dans sa seconde partie à travers la voix de jeunes Béninois débattant dans l’enceinte d’une Université de la portée de cette restitution, salutaire certes mais qui ne saurait en rien alléger les consciences. C’est une errance nocturne qui ponctue enfin ce voyage intersidéral avec cette idée de la puissance retrouvée du mouvement : « Je me vois nettement à travers vous, je ne m’arrêterai plus... »