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L’affiche du nouveau Anne Zohra Berrached (Deux mères) ne ment pas. Si un couple y figure, le visage de la femme occupe quasiment tout l’espace avec, sur la droite, coupée et floutée, celui de son mari. Car c’est bel et bien à travers le regard de Aslid, jeune fille d’origine turque qu’on va suivre le récit en dents de scie et riche en surprises tragiques de sa relation avec Saeed, un immigré arabe libanais, venu en Allemagne pour échapper à la guerre, rencontré par hasard dans une fête foraine. Le film s’ouvre donc comme la chronique romantique d’un coup de foudre, où l’on sent certes que les différences culturelles et religieuses entre leurs familles provoquent des conflits (Aslid cache sa relation à sa mère, ils se marient en secret…) mais sans deviner la place qu’ils vont finir par occuper. Et notre surprise sera celle de son héroïne quand, du jour au lendemain, celui qui lui a confié son rêve de devenir pilote, disparaît sans d’explication. Dès lors, réapparitions puis longues disparitions vont se succéder. Evidemment, elle cherchera à fuir cette relation toxique et ce qu’elle perçoit comme une radicalisation. Mais rien n’y fera. La force de l’amour qu’elle éprouve en dépit de tout s’avère, à son corps défendant, indestructible. Et ce jusqu’à une conclusion dont on vous laisse la surprise. Remarquablement incarnée par Canan Kir et admirablement scénarisée, cette réflexion sur la radicalisation sort des sentiers battus par ce parti pris constant de la faire vivre par le prisme de la passion amoureuse aveuglante. Et se révèle haletante sans forcer le trait ou le rythme jusqu’à son dernier plan.