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(...) ce nouveau montage nous prive de la retraite forcée où Carlos, au sens propre comme au figuré, prenait de la chair. Reste l’os, monumental, qu’on pourrait de toute façon ronger pendant des heures. Soit l’histoire incroyablement romanesque d’un mégalomane
charismatique gonflé d’idéologie révolutionnaire et devenu mercenaire, puis has been liposucé. Même sérieusement raboté, le récit du terrorisme international et du grand échiquier géopolitique courant sur deux décennies continue de donner le tournis mais plus le vertige. Tant pis : pour le grand saut, on pourra toujours se rattraper sur la mise en scène affolée d’Assayas, avec son sens rock’n’roll du découpage, cette course féline presque sans précédent dans le thriller français dont on ne le soupçonnait pas capable. Bref, si vous avez regardé le triptyque à la télé, vous serez sans doute frustré par ce Carlos concassé. Sinon, Carlos – le film, risque d’être pour vous la bombe de l’année.
Toutes les critiques de Carlos
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Son Carlos est un dingo brillant, un dandy exhibitionniste, un violent pathologique. Pas de jugement, pas de message, juste les faits, de meurtres haineux en prises d'otages politico-foireuses. Aidé par un acteur totalement habité (Édgar Ramírez), qui a su faire du terroriste un mille-feuille de contradiction, d'égocentrisme et de rage, Assayas administre une claque géante à la production cinéma hexagonale, comme l'avait déjà fait Jacques Audiard l'année dernière avec Un prophète. .
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Virtuosité et idéalisme, ascension et mégalomanie, désillusion et déchéance: cette trajectoire permet au cinéaste d'affiner la peinture de l'homme, sans jamais plomber le portrait du terroriste.
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Au-delà du mythe gauchiste qu’on connaît par le récit de ses attentats terroristes, Assayas dévoile la face cachée de Carlos. Celle d’un personnage bourré de paradoxes, à la fois idéaliste, violent, frimeur, courageux, manipulateur, flambeur, macho, séducteur. Son film se dévore comme un passionnant thriller politique dopé à l’adrénaline.
Avec une trouvaille géniale : les décharges de musique rock qui ponctuent les séquences d’action violentes. De la bombe ! -
par Carlos Gomez
Voir Carlos, c’est comprendre comment et pourquoi est né le terrorisme moderne, activité lucrative mais à risques. Le film dit le caractère artisanal des premiers attentats (ratés) au lance roquettes, à Orly, en pleine journée, par des activistes insuffisamment renseignés et de surcroît peu doués pour le tir. On pourrait presque en rire, si la suite n’était si puissamment tragique. La deuxième partie détaille la prise d’otages des ministres du pétrole de l’Opep en conférence à Vienne. On en sort estomaqués par la violence de l’action et la facilité avec laquelle elle fut visiblement exécutée. La troisième partie fait revivre notamment ce que fut l’exil de Carlos au Soudan, l’ennui pour le personnage et par moments pour nous. Ça ne dure pas. Le brio de l’entreprise s’impose et impressionne, jusqu’au bout.
Cet objet - qu'on le considère dans sa version pour le petit écran ou comme un long métrage - est assez vigoureux et exceptionnel pour supporter ces coupes claires. On considérera la sortie en salles de cette version écourtée comme une première brèche dans un cloisonnement entre télévision et cinéma voué à l'obsolescence, et l'on continuera d'espérer de voir un jour exploitée en salle l'intégralité de Carlos, qui est un film, quelle que soit sa longueur.
(...) c’est sans doute là le grand atout du film : retourner le casse-tête temporel à plusieurs facettes (adapter pour un long-métrage « normal » un projet-fleuve beaucoup plus expansif ; restituer les étapes de la vie du terroriste, sans tomber dans le roman de formation...), jusqu’à obtenir un objet volontairement lacunaire, parcouru de failles d’espace et de temps qui donnent à Carlos un poids plus significatif que les longs discours. Elliptique, le parcours l’est nécessairement, parfois de manière brutale, mettant au jour les transformations physiques et psychologiques insoupçonnées du protagoniste, autant que sa rigidité d’homme buté sur un idéal (entre utopie réelle et gloire personnelle). Une haute-voltige risquée, mais qui maintient son fil grâce à la fluidité du jeu d’Edgar Ramírez, tout en froideur et en animalité, à l’image du « chacal » qu’il interprète. On pourra regretter des zones biographiques laissées un peu trop dans l’ombre - les dernières années de la vie en liberté, en particulier, sont montées avec davantage d’empressement que le reste du film -, ou quelques airs de polar noirci par les grenades qui planent là aussi trop rapidement sur certaines séquences, mais ce serait oublier que l’un des outils les plus délicats de ce type de travail, et qui par ailleurs reste employé avec brio tout le long de l’œuvre, est le coup de ciseau destiné à sélectionner des bribes cinématographiques de vie. Et à le manier ainsi, il se pourrait bien qu’Olivier Assayas, tout à fait consciemment, égratigne un peu de notre conscience au passage.
Le grand écran rend justice à la mise en scène d'Assayas, paradoxalement plus ample que dans ses films de cinéma ! Il donne également toute la mesure de l'interprétation d'Edgar Ramirez. Performance qui dépasse le simple exploit physique - près de quinze kilos pris pendant le tournage pour les besoins du rôle. De tous les plans ou presque, l'acteur vénézuélien incarne toutes les contradictions de son personnage - séducteur et violent, charismatique et mégalo, meneur d'hommes et bouffon - tout en préservant sa part d'ombre. Carlos, la série et, plus encore, le film, lui doit beaucoup.
Cette fresque politique ambitieuse, complexe, passionnante, balade dans l’internationale terroriste de la décennie 70/80, est d’abord le portrait d’une personnalité complexe, aussi charismatique que monstrueuse, dotée d’un bel appétit médiatique. Ça fonctionne comment un terroriste international ? A l’esbroufe, à la logorrhée verbale, à l’adrénaline, à la mégalomanie, au sexe, à l’alcool… Edgar Ramirez crève l’écran et interprète sur vingt ans un révolutionnaire au béret « guevarien » devenu un mercenaire dévoyé. C’est aussi un sacré film d’action dont le rythme soutenu ne faiblit jamais et c’est encore une leçon limpide de géopolitique. Film de cinéma ou téléfilm, on se fiche pas mal de cette polémique : « Carlos » est un excellent film tout court.
Dommage que la dernière demi-heure, trop précipitée, sur la déchéance du personnage ait subi autant de coupes : elle renfermait les épisodes les plus à charge contre ce monstre médiatique, cet opportuniste sauvage, produit de la toute-puissance de la globalisation et du capitalisme et du triomphe de leurs effets pervers sur les utopies gauchistes.
On se demandait comment Olivier Assayas réussirait à condenser les cinq heures trente de la série télé « Carlos » — présentée à Cannes hors compétition — en un film de deux heures quarante-cinq (quand même). Réponse : les années 1980, développées dans le troisième épisode, ont été sacrifiées.
Adieu l’Europe de l’Est, le triangle amoureux avec les terroristes allemands Magdalena Kopp et Johannes Weinrich, les compromissions et les missions sans succès. « Carlos, le film » n’en reste pas moins une œuvre dense et palpitante, où la marche du monde l’emporte sur l’intime, mais qui brosse un fascinant portrait. L’acteur vénézuélien Edgar Ramirez se révèle encore d’une puissance sidérante.