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Il est incompréhensible que ce film, réalisé en 1990, ne sorte que maintenant dans les salles françaises. Passionné par l’ésotérisme, le Mexicain Nicolás Echevarría, à l’origine documentariste, a mis toutes ses tripes pour construire une odyssée apocalyptique sur le Nouveau Monde, égratignant le mythe de la conquête américaine pour donner à voir la réalité des événements. À travers un personnage ayant réellement existé, qui passe de l’état de conquérant à celui d’esclave, le cinéaste met en opposition des conquistadors évangélistes en quête d’eldorado et des indigènes adeptes de la magie noire, avant de faire basculer son récit dans une fureur mystique inoubliable. Avec son essence chamanique, ses couleurs hallucinées et sa puissance tellurique, cette révélation tombée du ciel se situe quelque part entre Aguirre, la colère de Dieu (Werner Herzog, 1975) et La Montagne sacrée (Alejandro Jodorowsky, 1974).
Toutes les critiques de Cabeza de Vaca
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ce film est un envoutement purulent qui va changer à tout jamais votre vision des conquêtes de l'ouest. Inutile de dire qu'il est bien loin le héros Américain incarné par ces nains de Gere(din), Cruise ou autre Van Damme (le Belge qui n'a pas découvert la poudre).
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Véritable trip aux images hallucinantes, ce long-métrage mexicain méconnu est un petit bijou à placer aux côtés d’Aguirre de Werner Herzog.
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Cette histoire vraie, d’après les écrits du rescapé, rappelle la quête hallucinée d’un « Aguirre » de Werner Herzog ou, plus récemment, l’esthétique du « Guerrier silencieux » de Nicolas Winding Refn. Le film oscille constamment entre un réalisme quasi documentaire qui invente la vie de tribus indiennes disparues, leur langue, les peintures magnifiques de leurs corps, leurs croyances et des expériences mystiques, voire hallucinées. Un choc des cultures et des croyances auxquelles le réalisateur donne puissance et poésie.
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La force du film, formidablement cadré et presque toujours tourné à hauteur d'homme, est de miser sur la lenteur et l'empathie, sans aucun artifice de post-production. Au point que le colonialisme destructeur qui finit évidemment par ressurgir sera vécu comme un arrachement par le personnage et par le spectateur. Et que le sidérant plan final d'une croix gigantesque portée par une foule à travers un désert fera définitivement coïncider fantasme et réalité historique.
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On est plus proche de la vision d’un Werner Herzog ou du cinéma ethnographique que d’une fresque hollywoodienne avec sa dimension plus ou moins prononcée de kitsch et d’artificialité, même si la thématique fait penser à Danse avec les loups de Kevin Costner. Les scènes de guérison et de chamanisme sont particulièrement saisissantes. Le paradoxe de ce rendu vériste est que Cabeza de Vaca est une fiction à budget important.
Au poste maquillage, on retrouve d’ailleurs Guillermo del Toro, future star du cinéma hispanique. Echevarría et son équipe ont trouvé le juste équilibre entre le spectacle et sa mise au service du sujet et des personnages. Dans la dernière partie, Núñez et ses compagnons sont retrouvés par une autre expédition espagnole. Le personnage s’est complètement attaché à sa nouvelle famille indienne tout en prenant pleinement conscience de la sauvagerie de son pays d’origine, tel un hippie bien foncedé qui refuserait de retourner bosser à la banque.
Le vrai Núñez a fini par rentrer en Espagne, publiant ses rapports ethnographiques, puis s’éteignant à Séville en 1559. Quand à Nicolás Echevarría, on n’en a plus entendu parler, du moins de ce côté des Pyrénées. Raison de plus pour découvrir cet objet filmique non indentifié bienvenu : malgré ses 20 ans, sa beauté singulière et son propos sont sans âge.. -
Exalté dans sa mise en scène et politique dans son propos, le travail du cinéaste mexicain, probante continuité fictionnelle de son expérience de documentariste, est à découvrir.
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De fait, son Cabeza de Vaca est plus tourné vers la contemplation des corps, des rites et des paysages. Incarné avec une rare intensité par l'acteur espagnol Juan Diego - on reconnaîtra parmi les conquistadores captifs Daniel Gimenez Cacho qui a, depuis, fait une belle carrière entre Mexico et Madrid, notamment dans La Mauvaise Education, d'Almodovar -, Cabeza de Vaca est une figure mystique qui se défait progressivement de sa culture chrétienne pour se fondre dans le monde chamanique des tribus. Au générique, on remarquera que les maquillages fantastiques des indigènes sont le fait de Guillermo del Toro (réalisateur de la série des Hellboy, et en 2006 du Labyrinthe de Pan).
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L'illustre récit (repris du journal de bord de Cabeza de Vaca) et la pente ethnographique naturellement suivie par Echevarria sont le double atout et la claire limite du film. Dans cette double exigence quelque chose, étrangement, semble faire barrage à la fiction, déployée par strates quasi-documentaires (les successives confrontations aux indigènes, de loin ce qu'Echevarria réussit de mieux) qu'on assemble un peu à la manière d'un livre d'images, faute de trouver l'axe qui pourrait donner au film son mouvement d'ensemble. Très vite celui-ci semble clivé, empêché par la concurrence permanente que se livrent, d'un côté ses belles parenthèses ethnographiques, de l'autre le soucis un peu volontariste d'élever son récit jusqu'aux cimes épiques et édifiantes de la fiction (la leçon d'anthropologie générale, un peu forcée ; la tentation baroque qui perce ici et là, un peu lourde). Manque un centre, et peut-être tout bonnement, un personnage - celui que l'on suit n'est guère plus qu'un guide, péniblement incarné en icône beuglante à laquelle on peine à s'intéresser vraiment. Ce souffle qui lui fait défaut, Herzog précisément le trouvait en réduisant toutes les dimensions à un personnage, ventre de la fiction vers quoi il était permis de faire tout converger - récit épique, western, ethnofiction, tous horizons réunis par la grâce d'un geste de contrebandier, plutôt que de pédagogue. Reste au film d'Echevarria de beaux moments isolés, dont la répétition à plat (entre les différentes tribus, c'est quasiment la même scène qui n'en finit pas de revenir) dispense, sur la longueur, une forme pas désagréable d'hypnose.
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Une fresque mystique et politique, inspirée des mémoires de Cabeza de Vaca, retraçant le destin de cet explorateur exalté qui, au contact des populations indiennes, se crut investi d’un pouvoir divin. Un "Aguirre…" fauché mais nullement bricolé.