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Les robots ont-ils une âme ? De 2001, l’Odyssée de l’espace à A.I., en passant par les séries Real humans et Westworld, la question n’a cessé de tarauder les auteurs qui en ont tiré des précipités de mélancolie pure, des réflexions métaphysiques renversantes, le tout englobé dans des univers futuristes cohérents, plastiquement spectaculaires. En l’espèce, le Blade Runner de Ridley Scott fait figure de parangon ultime du genre : avec sa mégalopole surpeuplée ultra graphique (tout en clairs-obscurs dessinés par les néons et la brume), son ambiance de film noir et ses questionnements existentiels, il posait les jalons du cyberpunk, de la SF consciente d’aujourd’hui et des dystopies qui ont proliféré.
Hologrammes et descendants
Attention, spoilers
Le Blade Runner de 1982 s’achevait sur deux interrogations : le chasseur de répliquants Deckard (Harrison Ford) est-il un répliquant lui-même ? Que va devenir son couple avec Rachel (Sean Young) ? À cela, Blade Runner 2049 (situé trente ans plus tard) répond assez précisément sans que cela soit pour autant l’objet essentiel du propos. Hampton Fancher (scénariste du premier film qui a rempilé) élargit la thématique originelle sur l’humanité des personnages à leur postérité. Idée de génie qui permet à Denis Villeneuve de filmer un nouvel anti-héros, l’officier K, travaillé par son ascendance possible –et, par voie de conséquence, à la descendance des répliquants. Ryan Gosling lui prête son allure minérale, vidée de substance, qui sied parfaitement à ce personnage qui trouve enfin un but à sa vie terne que Joi, un hologramme manufacturé féminin (géniale création, comme si la voix de Her était "incarnée") est chargé d’animer un peu. La rencontre annoncée entre K et Deckard peut enfin avoir lieu. On ne vous en dira rien sinon qu’elle est chargée d’émotions, de retournements et de promesses. Villeneuve a bel et bien réussi son pari de changer de perspectives tout en assurant une cohérence à la franchise. Le Parrain 2 de la SF ? Pas loin.
Souvenirs cramés
Blade Runner 2049 ne serait pas totalement accompli sans une direction artistique digne de l’original. Sur ce plan, Denis Villeneuve et son équipe surpassent toutes les attentes. Bourré de trouvailles visuelles à la fluidité potentialisée par le progrès des effets numériques, l’univers de Blade Runner 2049 est aussi anxiogène que celui de son prédécesseur, la photo cramée répondant à la photo bleutée comme pour mieux souligner le temps qui a passé et qui a jauni les souvenirs imprimés dans notre mémoire. Seul petit bémol : le score tonitruant de Benjamin Wallfisch et de Hans Zimmer, plus sonore que mélodique, ne rivalise pas avec les mélopées synthé de Vangelis. Un détail qui n’entache pas l’immersion totale dans cette fable aux accents déchirants de complainte.