-
Il débarque sans prévenir, sans magie, sans aucun mystère. Tant mieux, d'ailleurs : Anzu, chat errant devenu chat-fantôme (au Japon, on appelle ça un bakeneko : un « chat-transformé ») d'un monastère, est devenu en grandissant bien loin d'un Totoro empli de sagesse. Dumbphone autour du cou, juché sur un scooter qu'il conduit sans permis, il alterne les petits boulots (kiné, pêcheur) et les petites arnaques alors que son objectif de vie est d'écluser de la bière devant les machines à pachinko avec les gamins du village ou avec ses potes yokai (esprits japonais)... Au crayonné férocement rageur du manga original de Takashi Imashiro, le film substitue un visuel, plus lumineux et coloré, un peu trompeur, pour mieux nous vendre l'intrigue générale (une gamine, délaissée par son papa glandeur, cherche à retrouver sa mère morte). On préfère passer du temps avec ce gros malpoli d'Anzu, même quand le film se termine sur un troisième acte plus programmatique que délirant, où l'on voyage en enfer (rien que ça) face à des démons-yakuzas tout droits sortis d'un film de Kinji Fukasaku. On pourrait passer des heures avec lui à ne rien faire -ce que le film fait formidablement bien, en s'inscrivant dans les grands récits de glande piratant les odes à l'effort et au surpassement de soi. Vous faites comme vous voulez, mais on préfère mille fois avoir Anzu comme patronus que toutes les nouvelles Emotions que Pixar pourrait nous pondre. Anzu vit désormais dans nos têtes, et sans payer de loyer.