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Xavier Beauvois est de retour pour un film tourné près de chez lui, à Etretat, avec devant sa caméra sa compagne (Marie- Julie Maille, intense) qui est aussi sa co- scénariste et sa monteuse, leur fille et nombre de ses voisins, le tout nourri par les confidences de ses amis gendarmes sur leur quotidien… Ce quotidien, Beauvois le raconte et le filme aussi brillamment qu’il raconte le stress des agriculteurs de ce coin de France, étouffés par une crise qui les pousse à bout. Sa mise en scène est d’autant plus impressionnante qu’elle est invisible. Elle invite le spectateur à partager cette foule de détails qui, mis bout à bout, créent pourtant les conditions d’une tempête balayant tout sur son passage. En apparence, son Albatros est divisé en deux parties. D’abord la description de ce quotidien par le prisme du regard d’un gendarme du cru (Jérémie Rénier, impressionnant) puis les conséquences d’un geste mal maîtrisé, quand ce gendarme tue son ami agriculteur qui allait se suicider en voulant donc lui sauver la peau. L’homme affable, le pilier de sa famille comme de ses collègues devient alors comme un mort- vivant, incapable de la moindre réaction, avec comme seul moyen de survie : le départ, la fuite en pleine mer. Deux parties donc mais un seul film, au scénario tricoté avec le même soin que cette mise en scène qui vous happe sans vous manipuler. Beauvois aime chacun des personnages qu’il filme autant qu’il hait cette misère sociale toujours là, prête à ruiner la solidarité puissante qu’ils ont tissé pour résister justement à la houle. La dignité est le maître mot de ce film intense.